Value for money, commissionnement et conseil : au menu du Conseil européen
Alors que les débats sur la directive RIS1 trainent en longueur, Verena Ross la directrice de l’ESMA2 vient de rappeler sa philosophie en matière de coûts d’intermédiation. Un éclairage qui concerne principalement l’épargne, mais souligne une tendance qui atteindra, peu ou prou, l’ensemble de la distribution d’assurance.
La Ris est dans le processus d’arbitrage entre le Conseil européen, le Parlement et la Commission, appelé le trilogue. Manifestement, les négociateurs sont entrés dans le dur. Le principe du commissionnement n’est plus contesté, néanmoins la question de sa conditionnalité est ouverte. C’est-à-dire que ce mode de rémunération est lié à une prestation de conseil délivré au client. A priori, la France est moins concernée puisqu’elle a fait le choix de rendre le conseil obligatoire. Néanmoins, ce débat pourrait revenir par le biais des coûts d’intermédiation.
Verena Ross vient de préciser « Nous avons toujours essayé de mettre l’accent sur la valeur réelle finale que l’investisseur obtient. Il est évident que certaines personnes bénéficient de conseils avisés et d’un bon accompagnement, tandis que d’autres investisseurs choisissent de se contenter d’une simple exécution, ce qui présente également des avantages et des inconvénients. Chacun doit choisir le type d’accompagnement qu’il souhaite ou dont il a besoin, mais il est important que les différences de coût soient clairement expliquées à l’investisseur final ». Une position qui donne des arguments à ceux qui, en France, considèrent que le coût de l’intermédiation est trop élevé et grève la performance des produits.
L’ESMA réaffirme ainsi qu’elle place au centre de ses préoccupations les coûts générés par certains canaux de distribution par rapport à d’autres, et notamment les plateformes de commercialisation directe avec les consommateurs. Elle relève qu’ « Il existe des différences de coûts significatives entre les plateformes et les chaînes de vente traditionnelles. » Certes, mais il est difficile de soutenir qu’il convient de renforcer la protection des clients et de considérer que le prix de cette protection est disqualifié par ceux qui n’en offrent pas. Quoi qu’il en soit, cela justifie les coups de boutoir de ceux qui veulent rendre leur liberté aux clients en abolissant l’obligation de conseil. Au-delà du sort des commissions, l’amélioration de la transparence et de la communication d’informations sur les incitations, comprendre les commissions, leurs coûts et leurs incidences sur le rendement des investissements envisagés devrait être imposé par la Ris. C’est bien sûr une bonne chose à la condition que cette transparence englobe tous les frais et pas seulement ceux de la distribution.
Quoiqu’il en soit, la question du conseil est moins tranchée que ses défenseurs le pensent. D’ailleurs, ici ou là, divers acteurs tentent de s’en affranchir, voire flirtent nettement avec la ligne. Il est donc important de répondre à ces arguments de coûts et de les objectiver sans cacher que la protection des clients a un prix. L’importance de la « value for money » c’est-à-dire du rapport « qualité-prix » prend tout son sens pour comparer les solutions proposées. Ce nouveau dispositif devrait mettre à la charge des producteurs et des distributeurs de produits financiers, l’obligation d’évaluer si les coûts et charges liés à un produit sont justifiés et proportionnés au regard de sa performance, des objectifs et de la stratégie poursuivie par le client. Or, si le fait de justifier, auprès de ce dernier, de la performance du « rapport qualité-prix » offert, la éléments de comparaison devient en enjeu majeur. Notamment, en dépassant les seuls aspects financiers pour y intégrer les données de sécurité et de pertinence qui peuvent être apportées par des professionnels réels et non virtuels. Les composants et la profondeur d’analyse de ces benchmarks sont en soi un enjeu.
1 ESMA est l’autorité européenne des marchés financiers
2 Ris : Retail Investment Strategy.
Henri DEBRUYNE