Temps troublés et effets de mode ne permettent pas de bonnes décisions
L’air du temps n’aide pas à réfléchir posément. Plus les questions sont complexes et moins les raisonnements sont rationnels. Deux exemples : les rémunérations des distributeurs et la solvabilité des organismes d’assurance..
Y-a-t-il sujet plus sensible que celui des rémunérations en particulier pour ceux qui sont rémunérés au succès ? Pas seulement parce que tout ce qui touche in fine au pouvoir d’achat est hautement inflammable, mais surtout il existe un lien étroit entre les modalités de calcul des rémunérations et l’activité générée. Il s’agit très clairement d’une question de modèle économique et de comportement des acteurs. Brider les rémunérations sur certaines activités de manière inconsidérée se traduit systématiquement par un désintérêt des distributeurs pour les produits concernés. Cette règle de bon sens est régulièrement bafouée. Les Pouvoirs publics en France et ailleurs en Europe imposent ou veulent imposer des contraintes pour encadrer les rémunérations. Ceci sans se soucier des effets néfastes sur les marchés et donc pour les clients.
En effet, l’analyse des modèles économiques, la viabilité des situations et l’anticipation des impacts de ces mesures sont à peu près systématiquement éludés. Cela est aussi vrai des organismes d’assurance qui cherchent d’abord à maîtriser leurs charges et se préoccupent assez peu des incidences sur l’écosystème. Certes, diverses situations méritent d’être corrigées, des pratiques anormales éradiquées pour installer des modèles plus vertueux. Mais de grâce ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Il est paradoxal d’adopter une règlementation sur la distribution qui resserre fortement les obligations autour du conseil, de la prévention des conflits d’intérêts et de la loyauté due aux clients et de brider les moyens de le faire. Les distributeurs qui ne trouveront pas leur compte pour assumer ces responsabilités accrues et potentiellement chronophages vendront autre chose.
Les débats autour de la solvabilité pâtissent d’un même déficit d’analyse. Les Pouvoirs publics et les assureurs se sont inquiétés de l’impact des taux négatifs sur la solvabilité des organismes d’assurance. Dans l’urgence semble-t-il, le Gouvernement a pris la décision de permettre aux compagnies d’assurance de conforter leur solvabilité en y intégrant les réserves (provisions pour participations aux bénéfices – PPB) des contrats d’assurance vie dans le calcul de leurs capitaux propres. En l’occurrence, cette disposition n’est qu’une faculté. Elle ne pourra être mise en œuvre qu’en situation de grande difficulté et avec l’accord de l’ACPR. De deux choses l’une, ou bien cela produira un formidable coup de projecteur sur quelques situations déjà délicates avec un risque évident d’aggravation, à moins qu’une majorité d’acteurs ne sollicite et obtienne de pouvoir y recourir. Dans cette hypothèse un hold up généralisé aura été organisé au détriment des assurés et la vision de la marge de solvabilité sera moins objective.
Qu’il y ait sur ces deux questions de vraies interrogations est évident. Mais intervenir par à coup, sans vision globale et sans anticipation est dangereux. Plusieurs pays européens ont engagé des démarches similaires dans le passé sans trop se préoccuper des conséquences et parfois plus par idéologie que par réalisme. Les résultats montrent qu’ils auraient gagné à se montrer plus circonspects. L’air du temps et les phénomènes de mode sont les plus mauvais influenceurs que l’on puisse imaginer.
Henri DEBRUYNE