Sécurité sociale – une impasse dont les Français ne sont pas dupes

par | 22 Avr 2025 | Eclairage

Les Pouvoirs publics ont pris la mauvaise habitude de faire les poches des complémentaires santé. Sous une forme ou sous une autre, ils ponctionnent et maintenant la Cour des comptes s’y met aussi.

Le déficit tendanciel pour 2025 pourrait atteindre 28,4 milliards d’euros. Les recettes ne sont pas à la hauteur des prévisions, en revanche les dépenses, notamment dans les branches vieillesse et santé sont soutenues. Le gouvernement a prévu pour le budget 2026, 14,8 milliards d’économies pour la Sécurité sociale. Catherine Vautrin ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités a déjà annoncé la mise à contribution des OCAM1 à hauteur d’1 milliard d’euros. La Cour des comptes vient conforter sa position en se prononçant pour un « rééquilibrage » de 1 à 1,5 milliards d’euros. Et, pour ne pas pénaliser les assurés, les magistrats de la rue Cambon préconisent « un financement en priorité par des gains d’efficience sur les frais de gestion plutôt que par une hausse des cotisations ». Une manière élégante de dire aux assureurs de prendre en charge cette taxation, sans la répercuter sur les assurés. On croit rêver de lire cela, sous la plume de spécialistes des finances, alors que l’activité des complémentaires santé est quasi déficitaire.

Une nouvelle fois, ceci nous ramène au cœur d’un débat que les Pouvoirs publics ne veulent pas ouvrir. Comment financer un « modèle social » dont les conditions ont été fixées dans l’immédiat après-guerre et qui, à l’évidence, est aujourd’hui confronté à un contexte très différent ? Les Français ne sont pourtant pas dupes. Ils sont 82%2 à juger que leur système de protection sociale est plus généreux que celui des autres pays et 75% plus efficace, mais 78% le reconnaissent également plus coûteux pour les finances publiques. De plus, 88% des sondés estiment probable un scénario où la Sécurité sociale devrait augmenter ses cotisations faute de moyens. Si 85% d’entre eux estiment qu’il faut « absolument » qu’elle continue d’assurer tous les Français quoi qu’il arrive, 57% pensent qu’il faut « qu’elle cesse d’être aussi généreuse qu’aujourd’hui ». Les Français sont donc conscients qu’il est devenu indispensable de retrouver un équilibre : une couverture sociale pour tous, mais qui soit financièrement soutenable.

Néanmoins, si la question est ouverte, les responsables politiques ont peu d’appétence pour y apporter des réponses. Le contexte est clair. Rappelons que selon l’OCDE3 la part du PIB consacrée à la santé passera de 8.8% à 11.2% en 2040 pour l’ensemble des pays de l’OCDE. La hausse des dépenses publiques de santé devrait être deux fois plus forte que celle des recettes de l’Etat entre 2019 et 2040. La France n’y échappe évidemment pas. Elle consacre 11.7% de son PIB à la santé en 2022, toutes choses égales par ailleurs, celui-ci pourrait atteindre 12.5% (entre 2.3 et 2.7) en 2030. Déjà, certains responsables de la société civile, Patrick Martin pour le MEDEF et Michel Picon pour l’U2P, ont appelé à revoir le mode de financement de la Sécurité sociale. Il ne s’agit pas uniquement de repenser le volet des recettes, mais aussi la participation des différents contributeurs au régime de protection sociale. Nous n’échapperons pas, non plus, à la question du niveau des couvertures.
1 Organismes complémentaires d’assurance maladie
2 Sondage Ipsos de mars 2025 à l’occasion des 80 ans de la Sécurité sociale, cité par l’AFP
3 Organisation de coopération et de développement économique https ://www.oecd.org/fr/sante/panorama-de-la-sante/

Henri DEBRUYNE

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