Non, non et non, tous les modèles économiques ne se justifient pas

par | 21 Avr 2022 | Eclairage

La plateforme de services Deliveroo vient d’être sanctionnée par le Tribunal judicaire de Paris. Son mode de gestion, qui s’inscrit dans son modèle économique, est contesté en tant que tel dans les méthodes qu’elle utilise.

Deliveroo est une plateforme de service qui effectue des livraisons pour le compte de tiers. Elle a donc une activité à deux faces. Pour l’une, elle met à la disposition des restaurants un système de livraisons, et, pour l’autre elle sert des clients qui ont commandé des repas. Les juges ont estimé que Deliveroo n’est « pas seulement une plateforme de mise en relation, mais également une plateforme de services ». En effet, l’entreprise rend « un double service aux restaurants et aux clients » par voie de conséquence la loi de 2016 sur les plateformes de mise en relation ne s’applique pas dans ce cas.

La différence entre la mise en relation et la prestation de services est donc éclairée par cette décision qui s’appuie sur l’analyse de la réalité des pratiques et non sur une définition théorique dans laquelle l’on veut faire entrer un dispositif à l’évidence contestable. D’autant que, le modèle incriminé utilise des livreurs, qualifiés d’indépendants, mais qui en réalité, constate le tribunal, sont dans une situation de subordination. « Deliveroo disposait bien d’un pouvoir de direction tant à travers la formation des livreurs, que le suivi du mode opératoire de livraison ou encore en imposant d’importantes amplitudes horaires aux livreurs pour pouvoir s’inscrire au planning de la semaine suivante, » a détaillé la présidente. Le tribunal note aussi « le pouvoir de surveillance » exercé par Deliveroo « durant toute la prestation et même avant en s’assurant de la présence des livreurs », ainsi qu’un « pouvoir de sanction en supprimant des créneaux horaires ». De fait, ces relations sont très éloignées de celles qui peuvent caractériser celles de deux partenaires aux relations équilibrées.

La présidente du tribunal précise que Deliveroo a organisé « un habillage juridique fictif dont les prévenus avaient conscience, comme le montre leur volonté de faire modifier la législation en vigueur pour l’adapter à leurs pratiques ». Un contournement « planifié et organisé à l’échelle de centaines de livreurs » a-t-elle ajouté, avant de dénoncer une société et des dirigeants « focalisés sur l’augmentation des commandes et qui concevaient les livreurs comme une variable d’ajustement ».

Les sanctions sont à la hauteur de la sévérité du jugement : condamnation à de la prison assortie du sursis pour les dirigeants et amende maximale (375 000€) pour Deliveroo. Ceci pour signifier clairement que les modèles économiques ne justifient pas tout et que les relations avec des partenaires indépendants ou avec des salariés obéissent à des règles claires, équilibrées et respectueuses des intérêts des parties

Henri DEBRUYNE

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