L’Intelligence artificielle et l’accès au client
Après une phase d’euphorie, qui prétendait que l’IA allait s’imposer voire révolutionner la relation client, le principe de réalité impose un autre tempo.
La relation client est un impératif absolu. Le rôle majeur des forces commerciales est de conquérir et de conserver des clients. Certes, ces acteurs sont parfois difficiles, récalcitrants et nécessitent un management délicat. Les promesses entretenues par les apports de la gestion de l’information ont donné à penser que l’IA pouvait révolutionner le parcours client. En clair, optimiser les modes de gestion, rationaliser les tâches et discipliner les fonctions commerciales.
De fait, des acteurs se sont saisis de ces nouvelles capacités pour certaines époustouflantes. Les GAFAM* bien sûr, mais pas seulement. Ainsi, Booking.com, Tripadvisor et autre The fork se sont glissés entre les hôteliers, les restaurateurs et les clients. A partir d’une offre différente, souvent facilitatrice, ils ont capté la relation. Des situations comparables sont observables dans divers secteurs d’activités. Les constructeurs auto se « disputent » avec leurs concessionnaires pour maîtriser l’accès au client final. Ils veulent contrôler, grâce à leurs outils, la chaine de distribution. La banque est déjà confrontée aux Fintechs et les assureurs pourraient se faire dépouiller par les fournisseurs de solutions qui maîtriseront la relation avec les clients. La domotique, la sécurité, les loueurs de voitures sont autant de chevaux de Troie.
Avec un peu de recul, émergent quelques enseignements, partiels bien sûr, mais éclairants sur la manière dont cette vague pourrait, ou pas, submerger les organisations actuelles de l’assurance et de la banque. Il est évident que l’IA est en situation de bouleverser la connaissance clients, d’aider à mieux les comprendre et, potentiellement, d’anticiper leurs attentes ou évolutions. Néanmoins aujourd’hui, si nous voyons bien les bénéfices que les organisations peuvent en retirer, le basculement à grande échelle n’est tenté par personne. D’autant que l’Union européenne a posé des gardes fous, fort heureusement, à travers le règlement « AI Act ». Mais, il y a un autre facteur qui retient le mouvement. Il est lié au fait que ces nouvelles facultés ne démontrent pas leur capacité à capter la valeur « métier » tout au moins celle qui est logée dans la relation avec les clients. Là où se focalise la création de valeur. Du coup, les grands projets sont redimensionnés.
L’enjeu, est bien de conserver et d’enrichir le lien direct avec chaque client. Ceux qui sont déjà confrontés à cette bascule de leur environnement ont commencé à réinventer le contenu même de la relation qu’ils entretiennent avec leurs clients. Trois orientations se dégagent. La première est celle d’une personnalisation accrue, la deuxième est de réinventer l’offre en dépassant la prestation de base pour entrer dans une conception large, pour ne pas dire holistique, de l’usage et la troisième orientation est celle de la facilitation, c’est-à-dire de prendre en charge tout ce qui gêne, complique ou crée de la contrainte. Ne plus laisser un client seul face à l’adversité, quelle qu’elle soit.
Les apports de l’IA sont déjà perceptibles et nous ne sommes qu’aux prémisses. La prise en charge de process, les capacités de traitement et d’analyse sont effectivement des leviers puissants tant en termes d’optimisation des process que de traitement des masses. Les défis se déplacent, l’IA en fait partie, mais il ne faut pas inverser l’ordre des facteurs.
*GAFAM est l’acronyme des géants du Web — Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.
Henri DEBRUYNE