L’infidélité gagne les assurés européens

par | 14 Sep 2022 | Eclairage

Les clients ont de plus en plus la bougeotte et les Pouvoirs publics les y encouragent. Ce qui entame la stabilité des portefeuilles et donc la rentabilité des activités et met à mal la mutualisation des risques.

Le même phénomène s’observe dans la plupart des pays européens. La légendaire fidélité des assurés se distend et cela à peu près partout. Il s’agit d’un mouvement général que les Pouvoirs publics aident. C’est le cas en France avec le développement de la résiliation infra annuelle. Mais il faut bien reconnaitre que les comportements de consommation s’y prêtent, aidés en cela par la diffusion du digital. C’est un problème important car cette évaporation des portefeuilles pèse et pèsera de plus en plus sur la performance des opérateurs et donc sur les prix. Avec un effet pervers lié aux pratiques tarifaires de plus en plus sélectives qui s’intéressent aux meilleurs risques et délaissent les autres.

L’enjeu financier n’est pas anecdotique. Un point de fidélisation impacte 1,5 point de marge d’exploitation du C.A. sur 5 ans*. De même, plus la duration d’un portefeuille s’allonge et plus le rapport sinistre à prime s’améliore. Pour les distributeurs, l’énergie consommée pour remplacer les clients partis s’apparente au tonneau des danaïdes. Ceci est très étroitement corrélé avec l’équipement, c’est-à-dire le nombre de contrats détenus par chaque client. Une fuite des clients se paye cash ! Ce qui est vrai pour les organismes d’assurance, l’est également pour les distributeurs indépendants ou autonomes. L’équation est imparable : une moindre fidélité engendre un plus faible multi-équipement et altère sérieusement la rentabilité.

Alors, faut-il se résoudre à cette perte de maîtrise de la relation ? Il est urgent de repenser l’économie de l’assurance autour d’une volatilité plus grande des portefeuilles et une prégnance de plus en plus grande du prix. Il est même urgent d’imaginer des réponses pertinentes à un phénomène sociétal. Deux voies sont prometteuses. La première est de comprendre les raisons des résiliations pour les anticiper. La seconde, qui n’a rien de très novateur, est de travailler la relation client.

Comprendre les raisons des départs des clients est central. Certes, le prix est souvent invoqué. Néanmoins, il est un déclencheur bien moins fréquent que l’on pourrait le penser. S’il est déterminant dans la création du contact avec un nouvel assureur, son importance a tendance à faiblir lorsque la relation est installée. Les écarts tarifaires sur les produits de masse sont faibles, même si parfois des situations individuelles accusent des différences notables. Ce qui motive une résiliation est donc plus complexe que le seul niveau du prix. Il est probable que l’analyse des bases de données – les datas – pourra éclairer ces comportements et donc permettre d’y adapter la relation client.

Néanmoins, nous savons qu’une relation bien entretenue est le meilleur antidote aux résiliations intempestives. La culture commerciale en a fait son miel depuis que le commerce existe. C’est vrai et constant. Il faut reconnaitre que ce qui est aussi appelé « expérience client » ou « accompagnement client » est le parent pauvre des politiques commerciales. La clé est de créer ou de renouer avec des relations constantes, régulières et pas systématiquement tendues vers la vente de produits, mais seulement mues par le souci de densifier la relation pour fortifier la confiance. Ce n’est pas nouveau, ce n’est pas sexy comme une nouvelle campagne marketing, mais cela reste diablement efficace.

Dans l’action commerciale le rôle de la fidélisation est essentiel, peut-être qu’au moment où le débat sur les rémunérations des distributeurs se cristallise faut-il imaginer une part incitative liée au maintien du client, à sa satisfaction et sa bonne perception de la valeur qui lui est apportée.

* Analyse MEDI 2018

Henri DEBRUYNE

Contactez-nous