L’indépendance des intermédiaires dans les chaînes de distribution intégrées : un partenariat exigeant.
Pour les intermédiaires, le dilemme reste bien présent. L’intégration économique dans les chaînes de distribution des assureurs est évidente. Pour les agents, bien sûr, mais aussi pour les courtiers. Le dilemme est de gérer cet antagonisme entre respect de leur identité et réalisme économique.
La question de l’indépendance ou plus exactement de la latitude des intermédiaires face aux organismes d’assurances reste une question existentielle. L’équation est de préserver l’essence voire l’identité de ce qu’ils sont et donc de leur efficacité auprès de leurs clients, dans des dispositifs désormais intégrés. Ce n’est pas une question nouvelle, les intermédiaires ont souvent et depuis longtemps évité de regarder en face cette ambiguïté justement parce qu’elle est existentielle et se heurte à l’image qu’ils projettent d’eux-mêmes. Aujourd’hui, ils doivent en sortir. Pour des raisons légales de transparence, les clients doivent savoir quels sont les liens, mais aussi pour des raisons d’efficacité économique. C’est également l’intérêt des assureurs.
L’interdépendance entre les acteurs d’une même chaîne de distribution est de facto une réalité que les contraintes de la numérisation ont consacrée. Ce qui peut chagriner, mais c’est ainsi. L’évolution réglementaire (Solvabilité 2, gouvernance produits) a changé la donne. L’optimisation des chaînes de traitement et donc le passage obligé par une intégration des process consacre le fait que cette interdépendance est une réalité dont toutes les conséquences n’ont pas été tirées. Avec de manière incidente, mais centrale, la question de la productivité à laquelle personne n’échappe.
Par nature, sinon par construction, les intermédiaires aspirent à l’autonomie. Elle correspond à un choix de vie, une volonté de développer une activité entrepreneuriale et elle soutient une efficacité qui n’est plus à démontrer. Celle des structures agiles, réactives et qui collent aux réalités de leurs clients. Ceci fait partie de leur ADN et détermine leur grille de perception des relations avec les compagnies. Les observations conduites sur l’efficience des intermédiaires montrent que celle-ci dépend, en grand partie, de la qualité relationnelle qui découle de ces relations intermédiaires/compagnies. Nombre de courtiers ont déjà intégré dans leurs organisations ces nouveaux fonctionnements qui conduisent inéluctablement à un abandon de cette affirmation d’indépendance devenue fallacieuse. La réalité est que bien peu le sont. Les relations étroites qu’ils entretiennent avec un nombre limité de compagnies et les délégations dont ils bénéficient en font de facto des mandataires apparents. Mais ce n’est pas une tare qu’il faudrait cacher. Ces modes de relations, clairs et efficients peuvent parfaitement être valorisés. Les admettre permet d’en faire des leviers de performance.
Interdépendance ne signifie pas soumission. L’enjeu est de créer une réelle maîtrise des process et d’accepter des organisations partagées. Sans quoi, l’inefficacité et le désenchantement affaibliront l’ensemble. Dans des relations B2B, il est coutumier de dire que le sous-traitant – en l’occurrence l’intermédiaire – est le « client ». C’est une vision bien insuffisante. Ils doivent être des partenaires. Ce qui est une autre dimension. Souvent promise et mise en avant par les assureurs, elle n’est guère vécue comme cela. Les intermédiaires, en particulier les courtiers1 considèrent que les compagnies ne sont pas au rendez-vous. Cela reste donc à construire.
1 Observatoire des courtiers 2025 Golder & partners
Henri DEBRUYNE