Les courtiers en assurance sont-ils indépendants ?

par | 20 Nov 2025 | Eclairage

La justice allemande pointe l’impossibilité pour un courtier de se prétendre indépendant alors qu’il perçoit des commissions. Elle interprète strictement la notion d’indépendance à l’aune de la réalité de l’exercice professionnel.

La Cour d’appel de Dresde1 vient d’apporter sa pierre à la jurisprudence allemande en confirmant que pour un courtier faire référence à son indépendance doit s’appuyer sur des comportements clairs. Ainsi, le fait de percevoir des commissions s’oppose à la notion d’indépendance. En fait, elle considère que cette affirmation ne doit pas être « trompeuse » au sens de la loi sur la concurrence. Cette affaire a été portée par la Fédération allemande des organisations de consommateurs (VZBV). Cette dernière considère, notamment, que le terme indépendant ne correspond pas à la réalité de l’exercice d’une majorité de courtiers qui, en réalité, ont des relations étroites avec les compagnies.

Cela ressemble bien à une construction jurisprudentielle. Elle porte à trois le nombre de décisions interdisant aux courtiers d’assurance de faire référence à une indépendance que, de fait, ils ne pratiquent pas. Dans des affaires similaires, intentées par cette organisation de consommateurs, les tribunaux régionaux de Brême (affaire n° 9 O 1081/22) et de Cologne (affaire n° 33 O 219/24) avaient statué de la même manière. Par ailleurs, en 2024, la Cour régionale supérieure de Cologne a jugé qu’un courtier d’assurance ne peut pas proposer simultanément des services de courtage et de conseil en assurance indépendant. Il s’agit là d’une particularité de ce marché qui est servi, notamment, par des conseillers indépendants, qui sont aussi des intermédiaires en assurance au sens du droit européen. Ces professionnels sont vraiment indépendants et travaillent exclusivement pour leurs clients qui les rémunèrent sous forme d’honoraires. En clair, les clients doivent pouvoir faire la différence entre les deux activités de conseiller indépendant et de courtier. Faute de quoi la communication induit en erreur.

Derrière le combat de cette fédération de consommateurs se profile la question des conflits d’intérêts. Le terme « indépendant » peut faire croire que le courtier, par construction, fournit ses services sans aucun conflit d’intérêts. Or, il n’en est rien lorsqu’il agit également dans le cadre d’un mandat délivré par un assureur pour lequel il effectue différents travaux et qui le rémunère par des commissions. Le fait, pour un courtier de détenir des mandats d’organismes d’assurances n’est pas interdit. Mais les clients doivent en être clairement informés. Les Juridictions allemandes creusent ce sillon en rappelant que pour se revendiquer indépendant, l’intermédiaire en assurance doit l’être réellement y compris sur le plan de sa rémunération.

Ce n’est pas un débat nouveau, mais il se cristallise. Certes, c’est la justice allemande qui en est saisie, parce que sur ce marché agissent des intermédiaires avec des activités concurrentes et ils doivent agir à armes égales, mais il faut bien y voir l’action résolue d’une organisation de consommateurs. Il serait bien étonnant qu’elle reste cantonnée à ce pays. Les courtiers doivent donc lisser leur communication pour ne pas prétendre être ce qu’ils ne sont pas et se comporter comme ils l’affichent.
1 Cour régionale supérieure (OLG) de Dresde le 28 octobre 2025

Henri DEBRUYNE

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