Les banques françaises performent – Un modèle gagnant, mais devenu déséquilibré

par | 15 Avr 2021 | Eclairage

En 2020, les banques françaises affichent des bénéfices confortables et des résultats bien meilleurs que ceux des banques de la zone euro. Une situation qui masque des faiblesses préoccupantes.

Avec 21.5 milliards d’euros de bénéfices en 2020, les banques françaises raflent l’essentiel de ceux de la zone euro établis à 23.5 milliards. Qui plus est, ce résultat est en ligne avec ceux des années précédentes (21.6 Md€ en 2019 et 21.5 Md€ en 2018). Une situation plus que satisfaisante dont il faut se féliciter. Elle reflète leur solidité financière dans un environnement difficile, en particulier du fait des taux bas. Néanmoins, cela ne doit pas masquer des réalités plus contrastées.

En premier lieu, le rendement des fonds propres des banques est inférieur au coût de ces mêmes fonds propres. Ce qui a pour effet de peser négativement sur leur valorisation. Une réalité qui s’est installée lors de la crise de 2008 et dont elle ne sortent pas. Ce qui assombrit leurs perspectives. Il faut y voir l’un des impacts des taux bas, mais pas seulement : le modèle économique de banque universelle est contesté.

En effet, ces banques généralistes sont réputées plus « résistantes » que les banques spécialisées, comme l’a démontré la crise de 2008 – 2010. Elles mixent les activités de dépôt, de prêt, ainsi que celles de marché et d’ingénierie financière. Une diversification des métiers qui leur permet de répartir les risques et d’optimiser les coûts. Mais il faut reconnaitre que cela s’accompagne de lourdeurs liées à la taille et génératrices de surcoûts contreproductifs. Les réseaux de distribution des banques apparaissent pléthoriques et peu efficients. Certes, leur restructuration est en route, mais elle est difficile et bien trop lente. En maintenant au secteur bancaire son avantage compétitif dans l’assurance emprunteur, le Gouvernement n’a pas voulu ajouter une insécurité supplémentaire à une activité qui vit une phase difficile. Il s’agit d’une prise de conscience révélatrice.

Cela conduit, dans la plupart des réseaux, à une pression accrue sur les équipes commerciales. Entre les réorganisations, les objectifs commerciaux et l’environnement réglementaire de plus en plus contraignant, les conseillers bancaires laissent percer leur désarroi. Au point de contester, parfois, les politiques commerciales qui leur imposent des comportements qu’ils jugent contraire à leurs obligations de conseil. Cela n’est pas l’apanage des réseaux bancaires, mais souligne l’insécurité ressentie par ces professionnels dans leur job. Et pourtant le plus dur est probablement devant eux.

A cela s’ajoutent deux menaces. L’une, virtuelle pour l’instant, mais récurrente et plus insistante depuis dix ans, de contraindre les banques universelles à séparer leurs activités de banque de détail de celles de marché comme le préconisent les propositions Liikanen des plans de réforme fondamentale du système bancaire européen. L’autre menace résulte de l’offensive des fintechs. Elles contestent la suprématie des banques sur leurs marchés et dans la plupart de leurs lignes de métier. Il ne s’agit pas d’une menace globale, mais de challengers innovants et de plus en plus performants qui ont l’ambition de mordre dans les parts du marché bancaire

Henri DEBRUYNE

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