Le droit d’informer est sacré !

par | 15 Juil 2021 | Eclairage

Le Président de l’AMF1 vient de rappeler « l’importance fondamentale d’une analyse financière indépendante, menée dans des conditions garantissant aux professionnels un exercice libre, exclusif de toute pression, de leur activité ». Une prise de position rarissime, qu’il faut saluer.

Quelle mouche a pu piquer Robert Ophèle, le président de l’Autorité, pour se fendre d’une lettre en forme de rappel à l’ordre ? L’envoi par un cabinet d’avocats à la Société Française des Analystes Financiers, d’une mise en garde « contre les conséquences, notamment judiciaires ». Celle-ci envisageait d’organiser une réunion sur un sujet sensible qui pouvait s’avérer gênante pour le client de l’avocat. Le Président de l’AMF a marqué « sa vive préoccupation » précisant que « Les mises en garde, intimidations voire menaces proférées à l’encontre d’analystes financiers travaillant sur des sujets sensibles sont totalement inacceptables ». De fait, cela pourrait s’assimiler à une atteinte à la liberté d’expression.

Pourquoi évoquer cette liberté fondamentale dans une affaire civile ou commerciale ? Parce qu’elle recouvre deux fonctions essentielles à des activités économiques équilibrées et respectueuses de la protection des consommateurs. La première est le droit à fournir l’information et la seconde celui à être informé. Dans ce cas précis, l’analyse financière fait partie du droit de savoir. Par son niveau d’expertise, elle est indispensable au bon fonctionnement des marchés. Or, en l’occurrence la démarche contestée est intervenue, comme une menace, avant que la réunion se tienne. L’intention manifeste de faire pression a provisoirement atteint son but puisque celle-ci a été repoussée.

Le droit d’informer et le droit d’être informé sont deux droits reconnus et protégés par le droit français et européen. C’est autour de ceux-ci que se formalise la société de l’information qui donne sa réalité pratique au concept, maintenant bien installé, de la société du savoir. « Le savoir en question est utile non seulement pour la croissance économique, mais aussi parce qu’il contribue à l’autonomie et au développement de la société dans son ensemble »2.

En matière d’assurance et d’épargne, c’est un véritable enjeu car le ciment des relations interpersonnelles entre un assureur, un intermédiaire et un client est la confiance. Sans elle, la prise de risque et sa déclinaison interpersonnelle sont entravées.

Les exemples foisonnent de pressions diverses y compris sur ceux dont c’est le métier comme la presse professionnelle, les organes d’information, les analystes ou encore les experts pour qu’ils soient compréhensifs, voire complaisants ou bien qu’ils se taisent. Cela peut prendre différentes formes : supprimer les abonnements ou la publicité, saisir les organes de régulation professionnelle, etc. Peu importe si les saisines ne sont pas fondées ou n’ont aucune chance d’aboutir. L’objectif est d’intimider, de faire peur, de faire taire. Hélas, parfois cela fonctionne. Heureusement parfois, les autorités rappellent la règle et dans de nombreux cas les tribunaux sanctionnent ces entraves.

Il va de soi, que ceux qui font profession de délivrer de l’information doivent le faire avec probité et loyauté. S’ils ne le font pas, ils sont sanctionnables.
1 Autorité des marchés financiers
2 Abdul Waheed Khan (Sous-directeur général de l’UNESCO pour la communication et l’information)

Henri DEBRUYNE

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