Le conseil en assurance : une vraie prestation avec un vrai coût
La question de la rémunération des distributeurs d’assurance est l’une des questions sensibles des prochains mois. Entre l’hypothèse de l’interdiction des commissions et une transparence totale, ce débat s’éloigne du rationnel. Il sera forcément rattrapé par la réalité économique. Quoi que l’on dise, délivrer le conseil a un coût.
La Directive distribution a l’ambition de faire du conseil le point de passage obligé de l’offre d’assurance. La vente d’un contrat d’assurance doit être assortie du conseil adapté1. Ainsi, la volonté du législateur européen l’a rendu obligatoire et en a formalisé les modalités. Ceci pour renforcer la protection des consommateurs. Hélas, deux mouvements sont venus contrarier cette avancée. Le premier fut l’œuvre de ceux qui ne voulaient pas s’embarrasser d’une pareille contrainte, en clair le business avant tout. Le second a consisté à lancer une nouvelle étape de lutte contre les conflits d’intérêts en interdisant les commissions. Résultat, le conseil n’est plus obligatoire dans certains pays européens et le débat sur l’interdiction des commissions fait rage.
En France, heureusement, le conseil est obligatoire, mais la question de sa rémunération reste ouverte. Avant d’échafauder des mesures sur cet aspect sensible à tous points de vue, une approche plus rationnelle sera bienvenue. Tout d’abord, l’instauration d’un conseil facultatif se traduit pas une régression de la qualité des couvertures des clients. Dans de nombreux cas, ces derniers pensent pouvoir faire l’économie du conseil et se retrouvent avec des garanties étriquées ou inadaptées. Clairement, les consommateurs sont les premières victimes de cette mesure2. Ensuite, le conseil est chronophage. Respecter la réglementation nécessite du temps, impose un bon niveau de compétences, voire d’expertise. Ceci a un coût.
Le conseil en assurance est une prestation coûteuse que nous avons développée dans un article de l’Argus3 paru ce jour. Considérer qu’il est indispensable implique que son coût soit assumé par ceux qui le délivrent, mais aussi par ceux qui en bénéficient et également par ceux qui l’imposent, les Pouvoirs publics. De fait, aujourd’hui le conseil est délivré, son coût est couvert par des commissions, un dispositif qui le mutualise, ce qui est un avantage. Néanmoins, l’équilibre actuel repose sur la stabilité des contrats qui permet d’étaler sur plusieurs années l’investissement financier que représente son coût. Toucher à cet équilibre nécessite de prendre des précautions bien éloignées des affirmations péremptoires des contempteurs du système actuel.
Constater que le conseil est une vraie prestation et a un coût réel n’a de sens que s’il est valorisé. C’est-à-dire que sa valeur ajoutée indéniable soit déclinée, expliquée et comprise par le client. A l’évidence, la marge de progrès est importante. Alors qu’il mérite une forme de mise en scène pour être apprécié à sa juste valeur, il est encore trop souvent négligé et délivré a minima. Sur ce plan, les distributeurs et particulièrement les intermédiaires ont des progrès à faire. L’enjeu est d’en faire une composante centrale de leur activité. Ainsi, le coût qu’il représente sera moins discutable et moins discuté.
1 Michel Barnier commissaire européen lors de la présentation du projet de DDA le 3 juillet 2012
2 Etude MEDI sur l’évolution des commissions en Europe – septembre 2020-
3 https://www.argusdelassurance.com/les-distributeurs/le-conseil-en-assurance-une-prestation-couteuse.187303?preview=11
Henri DEBRUYNE