L’art difficile de l’anticipation stratégique

par | 24 Nov 2022 | Eclairage

L’assurance demain, qui la vend, à qui et comment ? Tous les groupes planchent sur cette question et y apportent des réponses différentes. Certains tranchent.

Mario Greco le PDG de Zurich, en présentant son plan 2023 – 2025 vient d’apporter la réponse du groupe qu’il dirige. L’avenir de Zurich assurance est ailleurs – qu’avec les intermédiaires (NDLR) -, à savoir dans des partenariats avec des banques ou des groupes industriels, par exemple. Et, ce faisant il fonde un développement ambitieux en se démarquant ostensiblement de l’intermédiation qui représente en Europe les 2/3 de l’assurance non-vie et près de 40% de l’assurance vie. Il a ses raisons et ne doutons pas un instant qu’il ait de bonnes raisons de penser qu’il peut réussir un tel virage, au demeurant, déjà engagé.

Cette même semaine l’European Insurance M&A Barometer, qui suit les mouvements de fusions et d’acquisitions en Europe, confirme un intérêt accru des investisseurs pour le secteur de la distribution intermédiée. Intuitivement nous le savions, en observant les mouvements du courtage, mais l’activité des fonds de capital-investissement et des fonds qui agissent directement montrent qu’a minima ils y voient des perspectives de développement durables et rentables. Et, un tel mouvement entraîne des répercussions sur l’ensemble du secteur bien au-delà de ceux qui sont concernés par les fusions-acquisitions. Les investissements réalisés ont un impact évident sur leur dynamisme et par ricochet sur l’activité de distribution du secteur.

Comment rapprocher ces deux informations ? L’acquisition du client et la manière de s’y prendre reste bien au cœur des stratégies. Zurich parie sur les accords de distribution bancaires, les conseillers financiers et les agents spécialisés. Les autres semblent apprécier la globalité du système d’interface de l’intermédiation. Zurich, met en avant des analyses de données pour soutenir une plus grande personnalisation des produits pour les clients, améliorer les ventes et augmenter la fidélisation, tout en ciblant de nouveaux segments de clientèles. En d’autres termes, il s’agit d’une forme de réintégration de fonctions dévolues, le plus souvent, aux intermédiaires. Ce qui n’est pas en parfaite cohérence avec l’idée de s’appuyer sur des partenariats avec des banques ou des groupes industriels, par exemple. En effet, ces derniers ont un comportement de grands donneurs d’ordres pas forcément éloignés de ceux des intermédiaires porteurs des intérêts de leurs clients !

Le courtage est parcouru par des politiques ambitieuses (Global Risk Partners, Howden group ou encore DIOT-SIACI) qui ne sont d’ailleurs que les mouvements les plus visibles. Face aux courtiers, les compagnies ne restent pas l’arme au pied, la dynamisation des réseaux d’agences est au cœur de toutes les stratégies. L’épisode douloureux de la Covid a cristallisé une évolution installée depuis plusieurs années.

Que pouvons-nous en déduire ? L’époque a ceci de captivant qu’autour de constats assez proches, ce sont des stratégies divergentes qui sont imaginées. En partie, le principe de réalité impose de faire avec ce que l’on a et pour beaucoup d’acteurs un changement de paradigme trop puissant est inenvisageable. Ensuite, les choix offerts aux clients s’élargissent et accroissent la concurrence. Ce qui impose une valorisation effective et tangible de ce qui est offert à chaque client. Et, sur ce plan l’offre intrinsèque de chaque intermédiaire est encore trop faiblement mise en évidence pour qu’elle soit déterminante. Au-delà des débats stratégiques, c’est bien le chantier prioritaire.

Henri DEBRUYNE

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