L’ACPR a 15 ans

par | 27 Nov 2025 | Eclairage

Créée en 2010 pour instaurer le système de supervision financière français, l’ACPR a fusionné les autorités de contrôle existantes1. Dans le contexte post crise de 2008, les institutions européennes avaient fortement recommandé d’adopter une supervision intégrée sinon unique pour une plus grande efficacité.

Quinze ans plus tard, l’ACPR met en avant un bilan positif. De fait, cette institution, dans sa mission de supervision, a permis de préserver la stabilité du secteur financier. Cela se traduit par un bon niveau de solvabilité des organismes d’assurances2 et une amélioration de la rentabilité des banques. Jean-Paul Faugère, vice-président de l’Autorité, s’en félicite en précisant d’ailleurs3 que « le dernier rapport sur les chiffres qui caractérisent nos institutions financières a pu conclure à la résilience de notre système financier ». Ce qui est indéniable.

Dans son rôle prudentiel, elle a accompagné la succession de textes réglementaires qui ont littéralement déferlé sur le secteur complexifiant l’exercice de ses activités. Elle n’a pas manqué de sens de la mesure dans un certain nombre d’entre eux, mais elle est restée parfois évasive dans d’autres. En effet, pour certaines questions relatives aux pratiques commerciales, la prudence peut être l’ennemie de la rigueur. Or, la protection de la clientèle est la mère de ses missions. Dans ce domaine de préoccupation, le bilan est plus mitigé. Peut-être parce que le sujet « plus grand public » est, par nature, plus sensible et requiert un doigté plus fin.

Il n’en demeure pas moins que dans ce domaine des pratiques commerciales, la doctrine du régulateur est moins affirmée. C’est notamment le cas en matière d’information et de transparence des statuts professionnels comme des rémunérations. Le conseil, dont la réglementation a fait une obligation centrale, est dans certains dispositifs, en particulier de vente à distance, simplement bâclé pour ne pas dire inexistant. La norme protectrice des assurés est bien loin d’être respectée. Ce qui laisse rêveur devant la volonté de l’ACPR de pousser les feux pour promouvoir le concept de value for money alors que l’essence même de l’obligation de conseil n’est pas respectée.

Toujours dans le domaine du contrôle, il y a eu quelques loupés comme dans la très regrettable affaire de la Sfam où des contrôles insuffisants ou inopérants ont laissé des pratiques frauduleuses prospérer des années lésant des milliers d’assurés. Ce volet des contrôles doit être revu. De nombreux intermédiaires, rencontrés ici ou là, expriment une réelle inquiétude à la perspective d’un contrôle de l’ACPR, alors même qu’ils sont sérieux, appliqués, professionnels et respectueux des intérêts de leurs clients. D’autres agissent un peu trop en marge de la règle sans conséquence visible. Il serait bien que la peur change de camp. On peut entendre, comme le souligne l’organisme de contrôle, qu’il agit sans en faire de publicité. Certes, mais dans ce domaine faire savoir a deux vertus. La première est de réaffirmer la règle, sinon la doctrine et la seconde est qu’il n’y a pas d’impunité.

Un relevé plus régulier et plus précis des manquements ou des infractions et parfois des sanctions aurait une dimension pédagogique bienvenue. Il enverrait le message clair que l’on ne transige pas avec la règle surtout lorsque l’intérêt des clients est en jeu.

1 Commission bancaire, Autorité de contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM) et Comité des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement (CECEI)
2 Au premier semestre 2025, le ratio de couverture du capital de solvabilité requis (CSR) est à 244 %
3 Lors du colloque organisé le 25 novembre 2025 à Paris

Henri DEBRUYNE

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