La vente d’AVIVA France
Les offres déposées ou sur le point de l’être pour le rachat d’AVIVA posent la question des intérêts de ses partenaires, de l’impact sur les marchés de l’assurance et de l’épargne, mais aussi des conditions de la réussite de ce projet de reprise.
Les fusions et autres rachats d’entreprises se sont traduites, dans l’immense majorité des cas, par la disparition de l’absorbé. Il y a toujours un « alpha » même dans un mouvement entre égaux. Il en résulte une mainmise qui entraine, sur des durées souvent courtes, la disparition de l’absorbé, de sa culture et parfois hélas de ses savoir-faire. L’assurance en a fait l’expérience, comme de nombreux secteurs d’activités, et quels que soient les déclarations, les engagements et les promesses. Le rachat d’AVIVA quelle que soit la forme qu’il prendra ne devrait pas échapper à cette loi.
C’est la vie des entreprises qui s’inscrit dans la destruction créatrice si bien théorisée par de brillants économistes*. Néanmoins, et au-delà de la théorie, les observateurs des fusions-absorptions soulignent souvent que celles-ci se traduisent très rarement par l’addition 1+1 = 2. De fait, elles génèrent de la destruction de valeur. Ceci posé, les deux seules questions qui vaillent sont d’une part, le respect des engagements à l’égard des clients et des partenaires, et, d’autre part l’impact sur le marché et ses équilibres.
A l’évidence, le respect des intérêts des clients, au-delà des protections imposées par la loi, s’estompe nettement derrière ceux exprimés par les parties prenantes. Les syndicats défendent l’emploi, ce qui est à la fois légitime et classique, l’Afer met en avant l’originalité de son modèle, elle veut le préserver et s’érige en arbitre. Quant aux agents généraux, restés longtemps discrets, ils montrent leurs muscles en rappelant une autre évidence : ils sont des travailleurs indépendants et doivent assumer leurs responsabilités entrepreneuriales. Ils ne veulent pas être les victimes collatérales du mécano financier en mouvement. Des divergences qui aiguisent les tensions au point qu’AVIVA s’efforce de répondre aux craintes suscitées par le projet de cession et évoque l’idée d’une consultation.
En fait, AVIVA vendeur ne peut plus rien dire sur le futur. Ce qui importe, c’est la qualité des projets et la force de conviction des repreneurs. En étant bien conscient que la ou les perspectives offertes ne s’inscriront pas dans le strict prolongement de la situation et des équilibres antérieurs. La cession est un acte majeur, une rupture fondamentale, une disruption forte devant laquelle il ne sert à rien de vouloir maintenir les dispositifs ante. La question est donc, pour chaque composante, celle de son insertion, de la valorisation de ses éléments et de ses savoir-faire dans un ensemble plus grand et fondamentalement nouveau. Il y a peu de chances que l’Afer reste exactement ce qu’elle est, tout comme l’UFF et le réseau des agents. La réussite d’une telle reprise, repose nécessairement sur la qualité du débat et la volonté de réussir ensemble un projet commun. Pour cela, Il ne pourra y avoir un repreneur qui impose sa vision et des repris qui veulent absolument préserver chacun son pré-carré. Et cela commence maintenant !
La disparition d’un acteur de la taille d’AVIVA aura un effet mécanique de concentration, probablement faible, mais réel. Aura-t-il pour conséquence d’appauvrir la concurrence ? Pas nécessairement. Elle peut bousculer certaines positions acquises, mais elle libèrera des espaces pour ses concurrents. C’est ce que nous avons vu depuis trente ans. Ce qui renforce les opportunités pour des acteurs installés ou des nouveaux venus, les assurtechs innovantes, par exemple.
*Philippe Aghion, Céline Antonin et Simon Brunel : Le Pouvoir de la destruction créatrice
Henri DEBRUYNE