La révolution de la longévité va mobiliser une armée de conseillers
La « révolution de la longévité » est un progrès, mais aussi une source d’inquiétudes. Elle impose une révision de notre approche de l’organisation sociale et elle ouvre des opportunités d’innovation1 pour les assureurs et pour les intermédiaires.
L’allongement de la durée de vie, y compris en bonne santé, et la baisse de la fécondité posent de redoutables questions. Les sociétés sont confrontées à une nouvelle réalité démographique : une population vieillissante en constante augmentation, une diminution du nombre de personnes en âge de travailler pour la soutenir et des besoins individuels qui croissent et se diversifient. Des défis majeurs qui ne peuvent pas être abordés avec la grille de lecture d’hier. Nous sommes face à une rupture importante que chacun pressent sans évaluer la profondeur des changements qui l’accompagne.
Dans les pays « développés », l’espérance de vie à la naissance est d’environ 80 ans (72 ans pour la Russie, 83 ans pour la France et l’Italie). Cette donnée, pourtant bien connue, n’est pas partagée puisque les habitants de ces pays sous-estiment généralement leur espérance de vie, tandis que ceux des pays en développement la surestiment. Les inquiétudes exprimées sont toutefois les mêmes quant aux risques liés à une vie plus longue. Les préoccupations des soins de santé et de l’épargne-retraite sont également partagés. Cependant, les citoyens n’évaluent pas, comme il le faudrait, leur capacité à faire face à ces risques. Dans les pays qui ont un modèle social avec des couvertures étendues, ils ont en réalité, pour l’immense majorité d’entre eux, abandonné à la dimension étatique la responsabilité d’y pourvoir.
Or, la préparation aux dernières étapes de la vie est à la fois cruciale et sous-estimée en termes d’enjeu. Les Etats, qui sont confrontés à des intérêts antagonistes, se montrent souvent impuissants. La France est un bon exemple. Les générations d’après-guerre ont bénéficié d’une couverture confortable produite par des dispositifs qui ont largement tenu leurs promesses. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. En grande partie parce que les données ont changé et que la poursuite du « progrès social » ne peut plus ni se financer à crédit, ni reposer sur les générations futures. Le premier effet, de ce changement est que chaque citoyen doit anticiper ses besoins futurs, organiser sa propre maitrise de ses projets et de ses ambitions et cela débute dès le début de la vie active. Cela tient aussi au fait que les besoins, comme les parcours de vie, sont de plus en plus diversifiés et rentrent de moins en moins dans des moules collectifs préétablis. Chacun doit se prendre en mains et assumer ses choix. Bien sûr le cadre social restera majeur, ne serait-ce que comme lien social et gestionnaire des solidarités, mais il ne peut répondre à toutes les situations quoi que l’on en dise.
Le besoin d’anticiper nécessite une approche fine et personnalisée. C’est le rôle essentiel des conseillers en assurance et épargne pour aider à une prise de conscience qui ne peut qu’être individuelle. D’autant qu’elle dépend de facteurs personnels, d’intérêts particuliers, de choix de vie, de trajectoires professionnelles qu’une approche collective ne peut pas appréhender même si le rôle de cette dernière restera essentiel, ne serait-ce que pour cimenter l’appartenance à une communauté de destins. Il faudra donc apporter à chaque citoyen des solutions diversifiées et modulables dans le temps, un accompagnement pérenne pour l’aider à les adapter à ses besoins et à ses projets qui seront forcément évolutifs dans une perspective de vie forcément plus longue.
Ce besoin d’accompagnement est considérable et va mobiliser des réseaux de conseillers en assurance et de banque dans une approche qui prendra en compte la dimension « client » avant celle des produits et des solutions. Une révolution, vous dis-je, qui va concerner une armée de professionnels.
1 Selon un rapport de l’Association de Genève qui a diligenté une enquête menée auprès de 15 000 personnes dans 12 pays d’Asie, d’Europe et des Amériques.
Henri DEBRUYNE