La raison d’être des entreprises d’assurances – Une grille de responsabilités qui s’étend

par | 3 Mar 2022 | Eclairage

L’époque du business d’abord est révolue, le fait sociétal et la primauté des clients s’imposent. Et ce, dans une vision ouverte sinon étendue de l’intérêt social.

Un sociétaire de MMA s’oppose au rachat de PartnerRe par COVEA au motif que cette opération n’est pas compatible avec le modèle mutualiste auquel il adhère. Il argue que ce dernier est fondé sur la non-lucrativité et doit être tourné vers le seul intérêt des sociétaires. Ce qui, de son point de vue, s’oppose à la démarche de diversification voulue par le Groupe. Ce faisant, quoi que l’on pense de cette démarche, elle pose une question centrale, celle de l’intérêt des sociétaires au moment où l’évolution réglementaire n’a de cesse de renforcer la protection des consommateurs et d’inviter les entreprises à adopter des comportements responsables sinon vertueux.

Historiquement, une mutuelle est un organisme à but non lucratif, une société de personnes et non de capitaux. Elle est uniquement tournée vers la protection et l’intérêt de ses adhérents. C’est sa raison d’être et la différence principale avec les sociétés d’assurance du monde capitaliste. D’ailleurs, à l’origine et de manière un peu réductrice, elles se démarquaient en ne rémunérant pas d’intermédiaires, certaines s’affichant d’ailleurs sous ce vocable : mutuelles sans intermédiaires (MSI). Puis, les frontières sont devenues plus floues, les relations d’affaires avec les courtiers se sont développées, certaines mutuelles sont entrées au capital de sociétés commerciales. La MACIF (une MSI) a acquis AVIVA une société d’assurance avec intermédiaires, devenue l’Abeille Assurances, dans le cadre du groupe Aéma. Bref, elles se sont banalisées et leurs modèles d’affaires ont perdu leur spécificité.

Parallèlement, les entreprises et notamment celles à capitaux ont pris en compte la nouvelle réalité des consommateurs et le fait sociétal. La société à mission permet à une entreprise de déclarer sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. La loi PACTE a donné un cadre d’engagement à la société à mission qui du même coup fixe des responsabilités claires pouvant justifier des poursuites judiciaires si elles ne sont pas tenues. Désormais, le dialogue de l’entreprise avec ses actionnaires ou ses sociétaires intègre forcément d’autres dimensions que la profitabilité des opérations. A l’évidence les décisions stratégiques et celles concernant les investissements en font partie avec une grille d’analyse qui s’étoffe : la recherche du profit, le bien être des salariés, l’intérêt des clients renforcé s’il s’agit d’un adhérent ou d’un sociétaire, la dimension sociétale et l’environnement.

La liste ne peut être exhaustive, en effet, la vie des entreprises est émaillée d’autres relations. Les partenaires professionnels, les intermédiaires notamment et tous les sous-traitants partie-prenante de la vie et de l’activité des entreprises et qui sont des constituants de son offre dans un écosystème. Il ne serait pas sain qu’ils restent à la porte des enceintes de décisions qui les concernent aussi.

Certes, le nombre d’entreprises qui empruntent cette voie est encore modeste, mais il croit rapidement. Les Pouvoirs publics y sont attentifs et ont déjà annoncé qu’ils graveraient, le cas échéant, dans le marbre de la loi les dispositions qui tarderaient à être prises.

Henri DEBRUYNE

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