La loi Badinter a 40 ans
Un régime spécial et autonome d’indemnisation pour les victimes d’accidents de la route impliquant un véhicule terrestre à moteur (VTM fut instauré en juillet 1985. En réalité une loi « sociale » dans le bon sens du terme.
Le développement de l’usage des véhicules terrestres à moteur avait entrainé une explosion des sinistres notamment corporels. Leur gestion, fondée sur les règles de la responsabilité civile, longue et complexe, produisait de nombreux contentieux avec des résultats parfois aléatoires, in fine préjudiciables aux intérêts bien compris des victimes. Ce phénomène n’était pas propre à la France. Un courant de réflexion, venu des Etats Unis, proposait d’ailleurs l’instauration d’un système dit de no fault, c’est à dire l’abandon de toute recherche de responsabilité et des indemnisations automatiques des victimes. Une forme de sécurité sociale de l’assurance auto. Ces débats se sont cristallisés au milieu des années soixante-dix dans le contexte de la montée en puissance de l’Union de la gauche et son projet de nouvelle société.
Les juristes, les compagnies d’assurances et les intermédiaires bataillaient. Les uns pour maintenir un système de responsabilité strict et éviter une dérive des indemnités. D’autres, considéraient que le risque auto était devenu un « risque social » et que la société devait s’organiser pour le prendre en charge. La FNSAGA1 prit la tête d’une proposition médiane qui s’avéra consensuelle. Pas d’abolition de la responsabilité, mais l’imposition d’un nouveau dispositif d’indemnisation des victimes, donc pas une rupture totale. Sans conteste, ces travaux et réflexions inspirèrent la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite Badinter, qui était Garde des Sceaux et ministre de la Justice à ce moment-là. Les principaux objectifs de cette loi furent de garantir une indemnisation rapide et équitable des victimes, en imposant des délais stricts aux compagnies d’assurance pour la réalisation des expertises médicales, le versement de provisions et l’offre indemnitaire définitive. Elle stipule également que les contrats d’assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite du véhicule, même non autorisée.
L’objectif fixé par la loi Badinter est atteint. Le sort des victimes des accidents de circulation s’est amélioré grâce à l’instauration d’un cadre juridique protecteur et en accélérant les procédures d’indemnisation. Une abondante jurisprudence en a précisé l’interprétation. Sans nul doute, ce texte constitue un dispositif que plus personne ne viendrait remettre en cause. Il peut également être une source d’inspiration dans la construction de dispositifs « progressistes » dans lesquels la recherche d’un consensus des professionnels à partir d’un diagnostic partagé, repris par la Puissance publique peut déboucher sur de réelles avancées.
1 FNSAGA aujourd’hui Agéa publia en 1980 l’esquisse d’une réforme en collaboration avec les professeurs J.Berr et H. Groutel
Henri DEBRUYNE