La gestion des risques climatiques, vers une socialisation totale ?

par | 19 Juin 2025 | Eclairage

Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan1 vient de produire un rapport pour Repenser la mutualisation des risques climatiques. En bref, la socialisation étatique est de retour !

Le système français d’indemnisation des risques climatiques appelé « Cat Nat » fait, depuis 40 ans, consensus tant il est efficace, mutualisé et solidaire. Au point d’être devenu un « modèle » que plusieurs pays (Allemagne, Italie) envisagent de mettre en œuvre. Patatras, il est urgent de le repenser, voire de le transformer au point de le dénaturer en créant une sécurité sociale climatique.

Bien sûr, le dispositif des « cat-nat » nécessite d’être adapté pour répondre à l’évolution des risques climatiques. Cette perspective est ouverte depuis des années et d’ailleurs au fil du temps ce régime a évolué. Les assureurs, mais aussi les intermédiaires, en particulier les agents généraux et leur fédération Agéa, ont pris à bras le corps la question de son adaptabilité, mais aussi et surtout celle de la prévention. Dans ce domaine, le secteur de l’assurance n’est pas resté l’arme au pied, il est pro-actif.

Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan s’est donc saisi de cette réflexion et pose en prolégomène une notion nouvelle : celle d’« assurance sociale » des risques climatiques pour suppléer l’insuffisance ou l’incapacité des assureurs qui les empêcherait de jouer leur rôle. Dans ce cas, que l’on perçoit presque imminent, sous la plume des auteures (Mathilde Viennot, Marine de Montaignac et Alice Robinet) l’intervention de l’Etat devient nécessaire. Elles précisent que l’histoire de la Sécurité sociale montre que les grands systèmes solidaires sont nés non pas de calculs techniques, mais de choix politiques fondamentaux sur la manière de vivre ensemble face aux risques. Elle témoigne aussi du fait que ces systèmes, une fois instaurés, structurent durablement les représentations, les comportements et les formes de solidarité. Une position claire et assumée, la référence à la Sécurité sociale est quasi idéologique.

Trois scenarii sont proposés. Le premier se cale sur un socle minimal de couverture et des garanties supplémentaires, une forme d’harmonisation. Il maintient le partage de risque entre le marché de l’assurance et l’État. Il garantit l’assurabilité des risques climatiques et renforce le rôle de l’Etat. Le deuxième élargit la réassurance publique à l’ensemble des risques climatiques et confie à l’État la couverture de la sécheresse. Les dommages occasionnés par les tempêtes, la grêle et la neige sont absorbés par les « cat-nat ». La gestion des risques climatiques serait associée à une démarche volontariste d’adaptation des logements, par des subventions, à la prévention ou en incitant les habitants à sortir des zones à haut risque. Cette option redistribue les rôles entre les différents acteurs, mais semble préserver la participation et l’autonomie du marché donc des assureurs.

Le troisième scénario socialise les risques climatiques, c’est-à-dire qu’il propose une couverture universelle et unifiée des risques climatiques. Il présente à la fois une dimension réparatrice, avec l’indemnisation, et une dimension préventive renforcée, avec la création d’un circuit de prévention des risques et d’adaptation des logements aux risques climatiques. Des cotisations climatiques viennent remplacer les primes d’assurance. Elles sont calculées sur des bases cadastrales en fonction de critères liés aux zones d’habitat, à la qualité de propriétaire, de locataire voire de résidences secondaires. Précision des auteures « Dans tous les cas, les assureurs restent sur les segments de marché qui ne sont pas couverts par la sécurité sociale climatique, et sur la MRH pour tout ce qui n’est pas climatique ».

Manifestement, nous entrons là dans une autre chose que la gestion des risques et qui marginalisera les assureurs et les quelques dizaines de milliers de distributeurs qui, aujourd’hui, sont mobilisés pour soutenir leurs clients lors des catastrophes naturelles.
1 Le Haut-commissariat à la stratégie et au plan résulte de la fusion de France stratégie et du Commissariat au Plan, et contribue à l’action publique par ses analyses et ses propositions. Il éclaire les choix collectifs sur les enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels, dans un cadre national et européen.

Henri DEBRUYNE

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