La distribution des services financiers percutée par la Value for money
Alors que les regards sont fixés sur la RIS1 et l’hypothétique interdiction totale ou partielle des commissions, la notion de value for money2 impose une révision des niveaux de frais et de rémunération en fonction des performances constatées. Une révolution.
Value for money pose le principe du meilleur rapport qualité-prix d’un produit financier. Promu par l’EIOPA, il est défendu par l’ACPR, la Retail Investment Strategy devrait le consacrer. Vertueux pour l’épargnant, il entraîne déjà des conséquences importantes pour les activités de la gestion de l’épargne. Il génère le déréférencement d’UC trop chargées en frais et/ou peu performantes. De fait, il oblige à des ajustements des chargements à la réalité des produits. Ce qui incitera forcément les distributeurs à se détourner de certains. Il faut s’attendre à des conséquences en cascade sur l’économie des systèmes de distribution. Des corrections plus au moins fortes sont donc prévisibles sur le développement de certains produits et sur l’économie des distributeurs. Ce n’est pas, en soi, problématique à terme, le marché se régulera. Néanmoins, de façon générale, cela n’a pas été vraiment anticipé. Il y aura donc un choc.
Initialement imaginée pour discipliner certaines pratiques et établir un lien naturel entre la performance et la rémunération du système en assurance vie, value for money donne des idées au régulateur pour l’étendre à l’assurance non-vie. L’ACPR par la voie de Jean-Paul Faugère3 vient de l’exprimer clairement. Il s’interroge sur le bénéfice apporté par certains produits dont le rapport sinistre à cotisations est faible (de 5 à 20%). Il vise clairement certains produits affinitaires. Or, chacun sait que ces garanties accessoires sont loin d’être insignifiantes dans la profitabilité de certaines activités. Mais sous l’angle de l’intérêt du client, la vertu n’y trouve pas son compte. L’enjeu est désormais d’aligner les intérêts. Ceux du client priment. Au Royaume uni le régulateur (la FCA) a d’ailleurs suspendu carrément la vente de certains produits (« gap insurance« ) pour manque de « value for money« .
Là encore, la contrepartie de la rémunération doit être tangible. Le vice-président de l’ACPR rappelle que le devoir de conseil est au centre de ce qui est dû au client et, de son point de vue, le compte n’y est pas. Il est vrai, le MEDI le constate dans nombre de ses études sur le terrain, le conseil est souvent insuffisant voire pauvre dans son expression. Et c’est un problème. Même les intermédiaires, qui aiment bien rappeler que le conseil est au cœur de leur métier, sont souvent insuffisants. Pas vraiment dans la phase initiale de mise en place des contrats, mais plus généralement dans l’accompagnement des clients, dans la révision régulière de leurs situations de risques et dans l’adaptation des garanties. Alors que le conseil est dû pendant toute la durée du contrat. Ce que rappelle régulièrement une très ancienne jurisprudence.
Outre, que ce travail de révision régulière est payant sur le long terme en qualité de relation, de multi équipement et de stabilité des portefeuilles, il justifie la fonction et la rémunération des intermédiaires. Au moment où celle-ci est contestée dans sa forme et dans son montant, il est temps de lui donner une réalité effective. En clair, de professionnaliser le conseil dans son expression immédiate, mais aussi dans la logique d’accompagnement.
1 Retail investement strategy
2 Value for money est le meilleur rapport qualité-prix soit la combinaison la plus avantageuse de coût, de qualité et de durabilité pour répondre aux exigences des clients.
3 Matinée de la protection des clientèles 06 mars 2024
Henri DEBRUYNE