Démarchage téléphonique : l’exaspération et les mauvaises pratiques
L’ACPR vient d’adresser, ce 15 septembre, un rappel à l’ordre sévère aux acteurs de l’assurance qui ont recours à des centres d’appels basés hors de l’espace économique européen (EEE). Un nouveau coup de projecteur sur les mauvaises pratiques qui ont conduit à un coup d’arrêt brutal de cette forme de distribution !
Le démarchage téléphonique sera interdit dans un peu moins d’un an dans sa forme agressive. En effet, le 11 août 2026 il ne sera plus possible d’utiliser ce moyen pour s’adresser à une personne qui n’aura pas donné expressément son consentement. La loi « Pour un démarchage téléphonique consenti et une protection contre les abus » prévoit que le démarchage téléphonique soit désormais fondé sur le consentement préalable, et ce pour tous les secteurs d’activité. De fait, cette nuisance est telle que « 97% des Français se déclarent agacés par le démarchage commercial ».
En réalité, l’industrialisation du démarchage téléphonique a conduit à une dégradation des pratiques commerciales opérées par ce moyen ainsi que des résultats obtenus. Le MEDI a observé, au fil du temps, la baisse de la qualité des portefeuilles constitués (taux de résiliation élevé, S/P franchement mauvais) qui va de pair avec une insatisfaction des clients et la monté du phénomène de rejet. Ceci a conduit à la mesure brutale de l’interdiction. La généralisation du précompte de commissions, maintenu envers et contre tout, a amplifié les déséquilibres de ce dispositif de distribution. Le recours à des centres d’appels « offshore » n’a rien arrangé. Ce qui a conduit l’ACPR à faire ce rappel. (Voir la veille du MEDI).
Le Régulateur a jeté un pavé dans la marre. Ce qui provoque des réactions, voire de la colère, de la part des acteurs concernés. Alors qu’en réalité, elle ne fait que rappeler la loi (DDA et code des assurances). Un réveil brutal. Jusque-là, elle n’a apparemment pas démontré une grande rigueur, contrairement à certains de ses collègues régulateurs d’autres pays de l’UE. Pour preuve le faible nombre de sanctions qui ont été prononcées alors même que cette pratique est bien installée. A cela s’ajoute son rappel à la responsabilité des animateurs de réseau (comprendre les grossistes) et des concepteurs (les compagnies).
Comment en sommes-nous arrivés là ? Il est un peu facile de dénoncer aujourd’hui les mauvais comportements, alors que la situation était connue, le législateur est intervenu, depuis la loi Hamon en 2014, à plusieurs reprises et la liste des lois, recommandations et mises en garde ressemble à un début de litanie. Tout cela n’a pas suffi. La réglementation n’a pas été respectée, voire a été contournée. C’est une responsabilité collective qu’il faut relever. Les Pouvoirs publics n’ont pas fait leur travail de police, mais les acteurs – qu’ils soient les porteurs de risques, les grossistes ou les intermédiaires – se sont tacitement arrangés pour que rien ne change ou si peu. D’ailleurs, leurs instances professionnelles furent sur ce sujet d’une grande discrétion, signe d’un embarras certain. La situation ne s’étant pas améliorée, l’évidence de l’interdiction s’est imposée. Le démarchage téléphonique sera donc interdit à partir du 11 août 2026 et l’ACPR augmente fortement sa pression.
Il faut être attentif au fait que la nouvelle règle est assortie de sanctions sévères, mais aussi au préjudice d’image. En effet, il est vrai que les situations dénoncées sont le fait d’un petit nombre d’acteurs, mais l’opprobre rejaillie sur la profession. Qui peut soutenir, sans rougir, que ces pratiques sont respectueuses des intérêts des clients ?
Henri DEBRUYNE