Courtiers : Indépendants ou pas indépendants ?

par | 24 Oct 2024 | Eclairage

Voilà un débat qui ressurgit et il n’a rien d’anodin.

En Allemagne, les courtiers qui se présentent comme indépendants sont poursuivis par l’association fédérale des organisations de consommateurs (Verbraucherzentrale)1. Celle-ci leur conteste cette réalité arguant que les liens qu’ils entretiennent avec les compagnies s’opposent à cette qualification d’indépendants. Les associations de consommateurs soulignent, d’ailleurs, que ceux-ci sont rémunérés par les assureurs sous forme de commissions. Il y a là, la permanence d’un débat, déjà ancien, qui qualifie les liens à travers la rémunération, selon l’adage dis-moi qui te paye et je te dirai pour qui tu travailles. Aujourd’hui, il n’est plus possible de traiter cette question par un haussement d’épaules. Dans la DIA2 de 2002 cette notion est déjà abordée sous l’angle de l’information, puis renforcée dans la DDA, elle est au cœur des débats de la RIS.

Cette question a été tranchée dans MIFID3 qui impose aux conseillers en investissements financiers (CIF) un affichage strict de ce qu’ils sont. S’ils disent être indépendants, les liens formels (mandats) sont proscrits et ils sont exclusivement rémunérés par leurs clients sous forme d’honoraires de conseil. Dans le cas contraire, ils peuvent percevoir des commissions ou rétrocessions de la part des organismes financiers, mais ces professionnels doivent communiquer à leurs clients, leurs liens avec les organismes financiers.

Les courtiers allemands ont réagi avec vigueur à cette assignation par les organisations de consommateurs. Ils fustigent, non sans raison, cette vision « irréaliste » qui veut embarquer dans un même modèle des situations multiples et qui répondent souvent à des réalités de marché, de produits voire de contraintes économiques différentes. L’intermédiation est aussi diverse que les clients. Il n’en demeure pas moins que la loyauté des relations commande une transparence effective qui va, c’est l’esprit du temps, vers la divulgation des rémunérations. Un aspect qui crispe ceux qui vont devoir s’y soumettre. Et pourtant qu’ont-ils à perdre à partir du moment où tous les acteurs sont astreints à la même règle et quels que soient les statuts des distributeurs ? Le MEDI fait assez de benchmarks pour observer que les écarts effectifs sont, le plus souvent, modestes. Ce n’est donc pas un débat. En revanche, la difficulté majeure est de mettre en place une norme permettant des comparaisons objectives. Ce qui constitue un préalable pour fournir une information claire aux clients.

Au-delà, de cette question de l’indépendance apparente ou réelle, il s’agit de clarifier les modes d’exercices du métier de courtier au service de son client et les informations qu’il est légitime de lui fournir. L’exemple allemand montre que cette question sera forcément traitée et que dans ce cas précis les courtiers interpellés devant la justice n’ont pas de position bien claire. Dommage, la décision pourrait être contraire à ce qu’ils espèrent.
1 La Verbraucherzentrale est l’association de consommateurs la plus importante en Allemagne
2 Directive sur l’intermédiation en assurance 2002/92/CE, qui précéda la DDA adoptée en 2016
3 Directive concernant les Marchés d’Instruments Financiers (MiFID).

Henri DEBRUYNE

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