Complémentaires Santé : resserrement du garrot en perspective ?
Le nouveau ministre de la Santé annonce la mise en chantier de l’étape 2 du « 100% santé ». Allons-nous vers la Grande sécu nouvelle version ?
L’objectif est affiché, « garantir que la santé soit accessible à tous nos concitoyens ». En fait, il n’est pas nouveau puisque mis en place en 2021. Son entrée en vigueur a pesé principalement sur les complémentaires et s’est traduite par un surcoût important pour les complémentaires qui ont financé 63% de la réforme en 2021 (selon la Drees1), et 77% selon les calculs des Ocam2. Et, contrairement aux calculs de l’administration, les économies sur l’optique n’ont pas compensé la forte hausse des dépenses en dentaire et audioprothèses. Bref, une nouvelle salve de contraintes en perspective pour « actualiser les paniers de soins pris en charge, notamment pour obtenir une mobilisation plus forte sur l’optique, ouvrir le périmètre à de nouveaux produits, comme l’engagement pris de baisser le reste à charge des perruques, dont on sait le rôle qu’elles jouent dans la gestion des cancers et la reconstruction après la maladie » a précisé le ministre.
Pour faire bonne mesure, il a déclaré que « parallèlement » à cette étape 2 « la modération des dépassements d’honoraires, comme les travaux sur le déploiement du tiers payant, comptent parmi les enjeux importants à ne pas perdre de vue ». Voilà pour les objectifs de François Masson. A la fin de l’année dernière, Bruno Lemaire, ministre de l’Économie a incité les complémentaires à modérer leurs hausses tarifaires et à surveiller leurs frais. Et, nous revoilà en pleine schizophrénie dont l’effet le plus évident est de paupériser ce secteur d’activité.
Les derniers chiffres publiés par la Drees mettent en évidence un secteur dont la profitabilité est de 1%, soit l’épaisseur du trait. Une vision globale qui cache de fortes disparités, certains organismes sont nettement déficitaires, particulièrement en assurance collective, et ne vont pas pouvoir le rester longtemps, car les réserves les plus confortables ne sont pas sans fin. Résumons, l’activité des complémentaires santé est fragile sinon, pour nombre d’entre elles, menacée. Leur latitude est nulle. Le 100% santé est piloté par les pouvoirs publics qui évadent vers un secteur dit privé son incapacité à financer les dépenses sociales. Les complémentaires se débattent, de plus en plus mal, dans ce dispositif qui les étrangle chaque jour un peu plus. Dans les faits, la « Grande sécu » est en train de se réaliser à bas bruit.
Trois conséquences sont à craindre. La première, même si elle prendra du temps, est la désaffection de certains acteurs pour cette activité parce qu’ils ne seront plus en état de répondre aux exigences de solvabilité. La deuxième, peut venir d’opérateurs qui décideront de quitter un secteur d’activité faute d’en maîtriser les paramètres pour investir ailleurs. Enfin, l’innovation aura totalement déserté les offres des complémentaires santé faute d’espace pour y prospérer.
Le plus paradoxal est, pour un pays qui se revendique toujours libéral, l’étatisation presque achevée, d’une activité économique qui n’a jamais démérité.
1 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques
2 Organismes complémentaires d’assurance maladie
Henri DEBRUYNE