
Assurance santé, pas de vision, pas d’ambition, peu de perspectives !
La situation des comptes de l’assurance maladie accuse un déficit marqué, l’activité des organismes de complémentaire santé est également dans le rouge alors que la progression des dépenses est, en tendance, supérieure à la croissance du PIB. Face à cela des atermoiements, alors qu’il faudrait rendre de la liberté aux complémentaires !
Selon Madame Vautrin, ministre de la santé, « les mutuelles » devront rendre l’argent puisque le gouvernement a renoncé à la hausse du ticket modérateur prévue par Michel Barnier. En effet, les complémentaires santé avaient anticipé cette aggravation de leurs charges dans la fixation des tarifs pour 2025. Cette brutale réaction de boutiquier souligne, jusqu’à la caricature, le peu de cas réservé à l’assurance santé complémentaire et à sa contribution considérée comme marginale à la couverture des soins. Et pourtant, elle nécessiterait une attention particulière.
De fait, « Les hausses de tarifs dans l’assurance santé complémentaire seront, cette année encore, soutenues ». Selon la Mutualité Française, elles devraient atteindre 4.5% pour les contrats individuels et 6.4% pour les contrats collectifs. Elles suivent la progression des dépenses de santé qui est attendue autour de 4% pour 2024 et projetée au même niveau pour 2025. L’OCDE1 a prévenu que la hausse des dépenses publiques de santé devrait être deux fois plus forte que les recettes de l’Etat entre 2019 et 2040. Or, dans nombre de pays – c’est le cas de la France – ces déficits sont financés par de la dette. Bref, une situation explosive. La France consacre 11.9% de son PIB à la santé, loin derrière les USA à 18.2% et juste derrière l’Allemagne qui est à 12.6%. A données constantes, la part du PIB consacrée à la santé passera de 8.8% à 11.2% en 2040 pour l’ensemble des pays de l’OCDE. Pour la France elle pourrait atteindre 15% de son PIB. Une situation quasi insupportable qui, à défaut d’un changement de paradigme, conduira à un rationnement qui ne dit pas son nom.
La situation des complémentaires santé est affectée de la même manière, elles ont un résultat technique négatif2. A la différence de la Sécurité sociale elles ne peuvent pas reporter leurs déficits sur la dette, elles doivent la financer par les cotisations ou, pour celles qui en ont, par des réserves mobilisables. C’est en partie ce qui rend le dispositif partiellement concurrentiel et financièrement solide ce que souligne la Drees. Pour la classe politique, il n’y a pas de péril et donc continuons cette gestion en repoussant à plus tard les décisions difficiles. D’autant qu’il faut bien le reconnaitre, le système des soins français, tant décrié, reste l’un des plus performants au monde. Il offre un niveau de prestations parmi ce qu’il se fait de mieux avec un reste à charge des ménages de l’ensemble des dépenses de 7.2%, le plus faible des pays développés. Celui-ci diminue d’ailleurs de manière régulière depuis 10 ans.
Néanmoins, la France s’adapte mal à l’évolution de la médecine et à la transformation de sa démographie3. La demande des soins de demain bouscule déjà l’organisation. La complémentaire Santé en France est confrontée aux mêmes perspectives. Celles-ci sont aggravées par le fait que ses dirigeants n’ont pas de réelles latitudes pour gérer une situation complexe entre les contraintes étatiques et la pression concurrentielle. Or, si le système doit bouger, il ne peut commencer à le faire que par le biais de ce qui est le moins impliquant. Et, sur ce plan les organismes complémentaires peuvent être proactifs et imaginer des approches et des solutions innovantes pour offrir des solutions alternatives. Cela se heurte à l’organisation actuelle et donc aux relations entre les assureurs et la sécurité sociale. Il faut que la puissance publique arrête de vouloir régenter l’ensemble du dispositif au nom du modèle social. Il faut qu’elle rende de la liberté aux organismes complémentaires et donc des marges de manœuvre pour innover et inventer. C’est à travers cela que pourra être projeté le modèle de 2040.
1 Organisation de coopération et de développement économique https ://www.oecd.org/fr/sante/panorama-de-la-sante/
2 Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees)
3 Jean de KERVASDOUE pour l’Institut Diderot décembre 2023
Henri DEBRUYNE