ALAN : La licorne de l’assurance, à marche forcée

par | 12 Mai 2022 | Eclairage

Assurtech de l’assurance, Alan vient de lever 183 millions d’euros pour financer son développement et ses dettes. Elle serait ainsi valorisée 2,7miliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 81 millions d’euros à fin 2021.

Des chiffres impressionnants qui interrogent sur le modèle économique de ce néo-assureur qui veut révolutionner l’assurance. 81 millions d’euros de primes (en progression de 86% sur 2020), pour un CA annualisé de 200 millions d’euros (161 millions en 2020), un résultat technique brut déficitaire de 51.8 millions d’euros (33.1millions d’euros en 2020). Une marge de solvabilité de 1353%. Elle était de 538% avant la dernière augmentation de capital. Voilà pour les chiffres délivrés par son rapport sur la solvabilité et la situation financière (SFCR) publié concomitamment à l’augmentation de capital.

En termes de portefeuille de clients, Alan intervient principalement en assurance collective, elle assure 14 000 entreprises et 255 000 bénéficiaires, en forte progression sur l’exercice précédent avec semble-t-il une bonne stabilité. Ses ambitions sont élevées. Alan envisage, en 2025, d’assurer trois millions de personnes et d’atteindre la rentabilité de ses opérations. Pour cela, ses effectifs auront cru d’un millier de collaborateurs pour atteindre 1 450 personnes.

La marche parait particulièrement élevée. Le marché de la complémentaire santé n’est guère en extension, ses perspectives sont modestes et l’équilibre technique, hors Covid, difficile à tenir. Sur un marché équipé la progression ne peut venir que de la captation de clients chez les concurrents. Pas simple, avec des coûts d’acquisition qui sont, à l’évidence, onéreux. Certes, l’offre d’Alan est séduisante. Bien équipée en termes de services additionnels elle séduit les entreprises. Sur ce cœur de clientèle, elle innove probablement. La première question est de savoir si cela permet et permettra de créer un différentiel pérenne. Manifestement, Alan investit puissamment afin que sa plateforme soit durablement évolutive. Mais il faudra probablement qu’elle reste sur son cœur de cible.

Deuxième clé, la profitabilité des opérations sera-t-elle suffisante pour financer ce projet et son développement ? La question est cruciale, bien sûr, mais elle cerne la dimension du défi. Comment agir, sur un marché au financement « socialisé » dont la maîtrise des paramètres principaux est détenue par la Puissance publique et qui les gère en fonction de ses objectifs propres ? A minima, il faut avoir une indiscutable et massive confiance en soi et dans l’environnement du secteur. L’avenir dira si les espaces, parfois à la taille d’interstices, sont suffisants pour que se développe une réelle offre alternative.

Quoiqu’il en soit, l’expérience est impressionnante et utile. Impressionnante puisqu’elle permet d’observer en direct l’installation et le développement d’une offre innovante, totalement digitalisée, et à une taille qui dépasse largement les initiatives confidentielles que nous connaissons. Certes, Alan a une offre, mais surtout quel accueil lui réserveront les marchés et les clients ? Et, bien sûr, c’est là que tout se joue.

Henri DEBRUYNE

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