Y-a-t-il trop de réglementation en Europe ?

par | 24 Avr 2024 | Eclairage

Question récurrente qui revient avec force à chaque consultation électorale, en particulier européenne. La prochaine ne fait pas exception.

Le secteur financier est, par construction, réglementé. Comment pourrait-il en être autrement ? L’assurance, qui est une de ses composantes, est concernée. Il est également vrai qu’avec l’instauration progressive du marché unique de l’assurance les textes se succèdent à un rythme soutenu. Outre, la construction d’un ensemble ouvert et cohérent à la dimension de 27 pays, chaque crise, mettant à jour de nouvelles fragilités, entraine comme en 2008 – 20101 puis en 2010 -20122 des mesures pour éviter une grave déstabilisation des marchés. L’édifice réglementaire est également renforcé par une jurisprudence dont l’objectif est de protéger le consommateur qu’il soit assuré ou épargnant.

La protection des consommateurs est ainsi devenue l’Alpha et l’Omega de la réglementation avec pour corollaire de préserver une concurrence équitable. Ce point n’est d’ailleurs pas le moindre, il a permis de mettre de l’ordre dans les pratiques dans certains pays, dont la France, qui arrangeaient ou préservaient des situations de rentes anormales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la Commission européenne est dotée de pouvoirs importants en matière d’inspection et de contrôle de l’application des règles en matière de concurrence. Un rôle parfois contesté surtout dans les aspects antitrust qui gênent les grands acteurs économiques.

Pour le citoyen, il est important et, somme toute, rassurant qu’une législation veille au strict respect de ses droits. Pour les distributeurs, cela prend parfois la forme de contraintes supplémentaires qui compliquent ou alourdissent leur travail. Il est évident que cela ne leur simplifie pas la tâche et a un coût. Mais il faut aussi considérer qu’en réalité il s’agit d’une norme qui sécurise celui qui la respecte, voire protège l’essence de son métier. Comprendre, informer, conseiller et protéger est l’apanage de professionnels qui font leur job. En cela, son respect est sécurisant.

La question qui se pose est celle son bien-fondé et de son efficience. Là, manifestement, les marges de progrès sont réelles. D’une part, parce que son application n’est pas aussi rigoureuse qu’elle pourrait l’être, comme le montrent les exemples récents, d’autre part parce que la manie de la surrèglementation est toujours présente. Comme l’instauration en France des associations professionnelles pour les courtiers dont on peut se demander si le rapport bénéfice / coût a bien été mesuré avant de lancer cette réforme. Car la compliance a un coût, qui n’a rien d’insignifiant, autant qu’il soit utile.

Enfin, il reste que ces textes doivent être appliqués. Ils le sont d’ailleurs dans la grande majorité des cas. Néanmoins, des résistances subsistent ici et là qui tiennent parfois de la stratégie d’évitement. Ce n’est pas bien et le rôle des Pouvoirs publics est d’y mettre fin, la règle est la règle, elle doit être respectée avec célérité. La Sfam, dont le Tribunal de commerce de Paris vient de signer l’arrêt de mort, en est l’illustration. De petites facilités en grosses entourloupes, il aura fallu une dizaine d’années pour déplorer une situation très dégradée avec sa cohorte de situations insupportables. Certes, ce courtier a pris ses aises avec la loi, mais cela n’a inquiété que lorsque la situation avait échappé à tout contrôle. Les meilleurs règlements ne peuvent rien contre le laxisme et le déni. En l’occurrence, dans cette affaire leur strict respect aurait évité cette situation aussi douloureuse que honteuse.
1 Déclenchée aux États-Unis la crise des subprimes en 2008 – 2010 a été provoquée par un excès d’endettement des particuliers. L’interdépendance économique et financière entre les pays, a provoqué sa diffusion dans le monde entier.
2 2010 – 2012 la crise des dettes souveraines (ou dettes publiques) est une crise qui a secoué la zone euro sur fond de craintes des investisseurs face à la dégradation des finances publiques de certains pays (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre, Italie, Espagne)

Henri DEBRUYNE

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