Un cas d’école autour de la Value for money1

par | 14 Mar 2024 | Eclairage

La Bafin2 est partie en croisade contre les coûts, qu’elle trouve trop élevés, des contrats en unités de compte. Après avoir appelé à des corrections volontaires par les assureurs, elle vient de passer à la contrainte.

Le bras de fer engagé par le superviseur financier allemand avec Generali-Leben, le deuxième assureur vie en Allemagne, vient de se traduire par le remboursement par celui-ci, à ses clients, d’un excédent de frais. Depuis 2022, Mark Branson, le patron de la Bafin, avait alerté sur des niveaux de prélèvements qu’il jugeait excessifs. Faute d’avoir été entendu, il a augmenté la pression. Il semble que l’autorité de supervision aurait initialement demandé à Generali de réduire ses commissions, ce que l’assureur n’aurait pas souhaité faire afin de ne pas mettre en péril son partenariat avec le très puissant réseau de distribution DVAG (semi-captif puisque Generali détient 40% de l’actionnariat). C’est ce qu’a indiqué dans une interview S. Lehmann, directeur de Generali Allemagne, l’assureur a donc choisi sa propre voie pour permettre à ses clients d’obtenir des rendements plus élevés, ce qui devrait, pour lui, minimiser l’impact financier. La BaFin aurait admis que les coûts effectifs seraient ainsi réduits. Une décision de sa part qui interroge. Il est possible qu’elle ait choisi, au moins pour cette fois, l’efficacité de la restitution plutôt que celui du principe. Sans nul doute, les discussions ont du être tendues.

Certes, les assurés récupèrent un peu d’argent. Néanmoins, cette pratique ne parait compatible, ni avec la DDA, ni avec Value for money, précepte qui devrait être gravé dans le marbre de la RIS3. En effet, il vise à ajuster les frais, y compris les rémunérations, avec la prestation servie. En l’occurrence, dans ce cas, avec la performance du produit. Le fait d’optimiser le rendement a évité de toucher aux frais et aux rémunérations. Manifestement, Generali-Leben s’en sort bien et la Bafin aurait entériné cette correction. Néanmoins, cela pourrait être analysé comme une pirouette qui évite de parler du fond. Car la question posée par Value for money n’est pas tranchée et il y a tout lieu de penser que la Bafin reviendra sur cette question du montant des frais et des rémunérations en fonction des prestations réellement servies. D’autres assureurs seraient d’ailleurs sur la sellette. Nous n’échapperons pas à un débat sur le partage de la valeur entre, et au premier rang, le client, l’assureur et le distributeur.

D’autant, comme le rapporte la presse d’outre Rhin, que Generali a réalisé des résultats impressionnants. Numéro un de l’assurance en Italie, elle a vu son bénéfice net ajusté (hors exceptionnels) augmenter de 14,1% à 3,57 milliards d’euros en 2023, en dépit du coût des catastrophes naturelles. Ce qui lui permet d’afficher un bénéfice opérationnel en hausse de 7,9% à 6,87 milliards d’euros, le plus élevé de son histoire. Fort légitimement, Philippe Donnet, son Président, s’en est félicité. Le groupe n’a jamais été en aussi bonne forme, a-t-il assuré. De fait, et nous ne pouvons que l’en féliciter. Pour autant, la Bafin met en exergue que ces performances ne peuvent pas méconnaitre les intérêts des clients.

Dit autrement, la performance d’une chaîne de distribution ne peut pas aboutir à un partage déséquilibré des résultats. Cela a été souvent conceptualisé comme une juste répartition entre les organismes financiers et les distributeurs, désormais le client fait une entrée fracassante. Ce n’est pas vraiment nouveau, les débats autour de la DDA comme de MIFID ont installé au frontispice des activités le respect absolu des intérêts des clients. Le principe de Value for money vient de lui donner sa traduction et elle est contraignante. Nous ne sommes plus dans la théorie, la Bafin vient d’offrir un cas d’école, inabouti probablement, mais très éclairant.

Si nous l’écoutons bien, l’ACPR n’est pas éloignée de cette vision.

1 Value for money est le meilleur rapport qualité-prix soit la combinaison la plus avantageuse de coût, de qualité et de durabilité pour répondre aux exigences des clients.
2 La Bafin est le superviseur financier allemand
3 Retail investement strategy, package de mesures en cours d’examen par le Parlement européen

Henri DEBRUYNE

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