L’Intelligence Artificielle et l’interlocuteur humain – L’assurance face à l’irrationalité des comportements des clients

par | 2 Mai 2024 | Eclairage

L’Intelligence artificielle impose ses capacités, incontestables, et sa rationalité, y compris dans l’assurance malgré une matière réputée complexe et qui s’adresse à des clients par nature irrationnels. Il est erroné de croire que le rôle de l’interlocuteur fait la différence à lui seul, il a besoin d’elle.

L’intelligence artificielle (IA) dans la gestion des relations avec les clients est devenue incontournable dans de nombreux secteurs d’activité. L’assurance n’y échappe pas. Sa complexité n’est pas un rempart, elle le franchit déjà par sa capacité à traiter de grandes quantités de données et d’analyser de très nombreuses interactions pour en tirer des suggestions pertinentes. Elle permet ainsi d’apporter de l’expertise, ce qui réhausse les facultés de ceux qui sont chargés d’élaborer des solutions adaptées à des clients aussi indécis qu’exigeants. Aussi diverse que la vie, aussi multiple que les trajectoires humaines, l’assurance est anxiogène et immatérielle. Elle aborde une quantité de questions que les clients n’ont guère envie de regarder. Par ailleurs, elle est effroyablement bureaucratique. Il suffit de prendre conscience de la masse de questions, d’informations, de documents, de mises en garde lors de la souscription d’un contrat, même perçu comme banal, pour comprendre pourquoi le client est vite dépassé. La rationalité de l’IA aide, mais ne peut investir la dimension d’émotion qui accompagne la relation à l’assurance.

Face à cette rationalité, le client reste à la périphérie du sujet et adopte des comportements réels rarement conformes à des choix rationnels. Ce qui fait que l’interlocuteur humain est et reste incontournable. Il réduit les incompréhensions – la fameuse asymétrie de l’information – et permet au client de ne pas se perdre dans un dédale d’informations et de choix possibles. Il a la possibilité unique d’ajuster la demande et l’offre. Ceci donne à chaque distributeur un atout considérable, qui est sa capacité à créer la confiance et à la maintenir. En réalité, ce n’est qu’un atout. Encore faut-il qu’il soit exploité. Ce qui suppose que le distributeur fasse correctement son travail et s’investisse dans son devoir d’information et de conseil. C’est la qualité de sa présence auprès du client qui fait la différence.

Hélas, alors que le conseil est une obligation personnalisée et donc doit être rendu de personne à personne, d’aucuns s’échinent à le standardiser pour que le distributeur ne soit que le collecteur des besoins et des attentes du client. Le reste étant traité soit par un back office, soit par un robot pétri d’intelligence artificielle dont nous voyons bien les limites émotionnelles. C’est une double perversion, du code des assurances, d’une part, et, d’autre part de la nécessité à travers l’interrelation, d’informer, conseiller et accompagner chaque client. L’aider à s’y retrouver, fonder sa confiance et apaiser ses inquiétudes se fait à travers l’interrelation humaine et pour l’instant personne n’a trouvé d’alternative crédible. Les dernières recherches scientifiques montrent que l’absence d’interrelation génère des biais comportementaux dont les effets sont bien plus pénalisants y compris pour les résultats techniques des assureurs.

Dans des temps où l’irrationalité prend des proportions préoccupantes, il est impératif de remettre l’humain au cœur du dispositif et de ne pas en faire le supplétif de systèmes désincarnés. Les comportements sont ce qu’ils sont, certes nous pouvons mieux les connaitre pour mieux les comprendre, mais pas les changer.

Enfin, il n’y a réellement pas de challenge entre l’IA et l’Humain, mais l’Humain avec l’IA est un Humain augmenté.

Henri DEBRUYNE

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