LE RISQUE BANCAIRE ET L’ECOSYSTEME FINANCIER

par | 18 Mai 2023 | Eclairage

Améliorer la régulation du secteur bancaire est un thème qui revient avec la menace de crises ou de faillites. La Commission européenne se penche à nouveau sur la révision du cadre de la gestion de ces crises et de la protection des dépôts. Ce n’est pas mince sachant qu’au-delà de leurs activités traditionnelles, les banques sont devenues en France des acteurs de l’assurance.

La faillite de plusieurs banques1 et la mise sous “administration extraordinaire”2 d’Eurovita, une compagnie d’assurance vie très liée à quelques banques, réactivent l’inquiétude d’une instabilité persistante du secteur bancaire. Naturellement, les situations ne sont pas comparables. Le défaut des banques américaines comme celui, emblématique, du Crédit Suisse, n’a pas grand-chose à voir avec la défaillance de la compagnie italienne. Il n’en demeure pas moins que les questions lancinantes sur la fragilité, l’anticipation de la gestion des crises, l’interaction des activités sinon des métiers mobilisent la Commission européenne. La confiance dans un système financier solide et pérenne est bien l’enjeu.

Tout l’édifice repose sur cette dimension. Si elle venait à s’étioler ou pire à disparaitre, les banques pourraient être dans une situation périlleuse. Le président de la Fédération bancaire française se veut rassurant : « Il n’y a aucun risque parce qu’il n’y a aucun mécanisme de contagion possible entre les événements que nous constatons et les banques françaises, et donc il n’y a clairement aucun risque de crise bancaire en France. » Mais rien ne dit que demain ne pourrait pas être différent. Ce qui conduit les Pouvoirs publics à remettre en chantier les dispositifs qui garantissent la stabilité des banques. Outre la garantie des dépôts, limitée à 100 000 € par déposant et par établissement bancaire3, la Commission pense à l’élargir aux grands dépôts des entreprises. Ce qui pose deux questions. La première est celle de l’aléa moral, c’est-à-dire une modification des comportements induite par le fait d’être couvert contre une perte quoi qu’il arrive, alors que les entreprises ont les moyens de s’assurer de la solidité de leurs partenaires banquiers. Ipso facto, cela reviendrait à faire garantir l’activité des banques par un dispositif étatique, difficile dans une économie libérale. Ce qui renvoie à la question du rôle des banques, d’une part entreprises commerciales, et d’autre part délégataires d’une mission de services publics. Une cohabitation de responsabilités qui ne va pas de soi comme le souligne dans les Echos Jean Peyrelevade4.

Du coup, il prône la séparation des banques de dépôt de celles d’investissement. Ce débat n’est pas nouveau, mais à la lumière des récentes et récurrentes difficultés du secteur bancaire et des menaces qu’elles projettent sur l’économie, cette proposition mérite d’être analysée. Car au fond, les banques, particulièrement en France voire dans certains pays européens, sont devenues des édifices complexes. Outre leurs activités traditionnelles, elles sont des acteurs incontournables de l’assurance (2/3 de l’assurance vie et 1/5 de l’assurance non-vie). Certes, ces métiers sont logés dans des structures distinctes qui les garantissent des aléas de leurs maisons mères, mais avec un partage total du réseau de distribution et un avantage non négligeable lié au « compromis danois5 ». L’assurance peut représenter entre un tiers et 40% du résultat de l’activité de banque de détail. Ce qui n’est pas rien.

L’évaluation des risques de l’activité bancaire, qui est à nouveau en chantier, ne peut pas s’exonérer de la réflexion sur son modèle économique.

1 SVB et Signature aux USA et Crédit Suisse en Europe
2 La compagnie d’assurance-vie italienne Eurovita a été placée sous “administration extraordinaire”, c’est-à-dire sous tutelle afin de lui éviter la faillite.
3 Fonds de garantie des dépôts et de résolution
4 Les échos du 17 mai 2023
5 Le compromis danois permet aux banques de minorer leurs fonds propres en proportion de ceux de leurs filiales d’assurance.

Henri DEBRUYNE

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