Le Parlement européen fixe sa position sur la RIS (1)

par | 27 Mar 2024 | Eclairage

Le Parlement européen vient de rendre sa copie : il préserve les commissions, modère l’impact du value for money et renforce les pouvoirs du régulateur. Un texte, assez éloigné de celui de la Commission européenne, qui laisse présager des débats tendus pour arriver à une position commune des instances européennes.

Stéphanie Yon-Courtin députée et rapporteure de la commission des Affaires économiques (Econ) du Parlement européen a fait approuver par les eurodéputés des dispositions très différentes de celles voulues par la Commission européenne. Elles préservent les commissions que cette dernière voulait, dans un premier temps interdire, pour finalement les encadrer très fortement au point de rendre leur pratique quasi impossible. Cette menace s’éloigne. Seuls les conseillers en assurance indépendants ne peuvent recevoir de commissions et sont donc rémunérés par des honoraires versés par leurs clients. Ce qui les aligne sur les conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI).

Une autre disposition controversée concerne le value for money2. La Commission veut imposer un comparatif justifiant les coûts (frais et rémunérations). Ceci pour lutter contre ceux qui sont excessifs. L’objectif vise à accroitre la transparence. Les eurodéputés ont opté seulement pour un comparatif national des produits distribués dans un seul Etat-membre, ou européen pour ceux qui sont distribués dans deux Etats ou plus. Ce comparateur, mis en place par les régulateurs des différents pays, sera accessible au public, sur la base des documents d’informations clés3. Prévenant une possible dérive la Commission ECON précise que ce comparatif « ne doit pas mener à une régulation des prix », mais être utilisé comme un outil de supervision. Soucieuse que les investisseurs-particuliers soient clairement informés, elle maintient l’obligation d’inclure un avertissement « au sein des documents d’information clés » pour signaler les produits financiers particulièrement complexes.

Les eurodéputés rappellent que les conseillers financiers et en assurance doivent fournir à leurs clients des conseils transparents, compréhensibles et personnalisés. Ceci afin que les produits soient adaptés aux besoins des clients, en tenant compte des performances, du niveau de risque, des éléments qualitatifs, des coûts et des charges. En définitive, une version plus détaillée des préceptes de la DDA et un profilage précis de cette fameuse Value for money dont ils rognent l’ambition.

A ce stade, le parlement européen s’est nettement éloigné du texte de la Commission. Désormais, les gouvernements des 27 états membres vont devoir adopter une position commune puis trouver avec la Commission et le Parlement, un consensus. Ce ne sera pas simple tant les positions sont divergentes. Certains commentateurs jugent que le texte de la Commission est délibérément favorable aux investisseurs-particuliers au mépris du réalisme des marchés, d’autres considèrent que le Parlement promeut une RIS au bénéfice des intermédiaires.

Si l’offensive lancée par la Commission contre les commissions et les rétrocessions, parait stoppée, il est prévisible que les dispositions du Value for money soient réévaluées. En effet, ce dispositif est déjà retenu par les superviseurs français (ACPR) et allemand (Bafin). La France l’a partiellement anticipé en assurance-vie par le biais d’une recommandation de l’ACPR. Le superviseur a poussé les assureurs à déréférencer les unités de compte dont les frais s’écartent trop de ceux des produits de leur univers de référence. En Allemagne, l’institution de régulation contraint les assureurs vie à réviser les frais qu’elle juge trop élevés.

Au Conseil maintenant de faire connaître sa position, ensuite interviendront les négociations pour arrêter un texte commun. Ce projet n’est pas encore au bout de son processus législatif.

1 Retail investment strategy (stratégie pour l’investisseur particulier)
2 Value for money est le meilleur rapport qualité-prix soit la combinaison la plus avantageuse de coût, de qualité et de durabilité pour répondre aux exigences des clients.
3 Le DIC (document d’informations clés) est également modifié pour assurer une meilleure comparabilité entre produits et développer l’outil de comparaison en ligne des produits européens.

Henri DEBRUYNE

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