Le débat sur l’interdiction des commissions est relancé !

par | 10 Fév 2022 | Eclairage

En Europe, les grandes manœuvres ont débuté. Les tenants des rétrocessions tentent de soutenir leur modèle alors que les représentants des épargnants veulent interdire toutes les formes de commissionnement. Et si la voie raisonnable et efficace était la transparence à la française ?

Nous y sommes ! Le rendez-vous était programmé avec la révision de la directive MIF2 qui sera suivie, un an plus tard, par celle de la DDA. En fait, il vient de loin, les pays scandinaves, à l’exception notable de la Suède, ont interdit les commissions principalement sur les produits d’investissements y compris fondés sur l’assurance. Depuis une dizaine d’année, la question est d’étendre ces dispositions à l’ensemble de l’Union européenne.

Deux thèses s’affrontent. La première, défendue par l’ESMA1, soutenue par les associations d’épargnants, considère que les rétrocessions et autres commissions ne permettent pas de garantir des conseils en investissements impartiaux, transparents et dégagés de conflits d’intérêts. La seconde est celle défendue par les acteurs du secteur financier qui défendent la rémunération des distributeurs par les fonds ou les établissements financiers. En d’autres termes, les honoraires payés par le client contre les commissions versées par les fournisseurs.

La question fondamentale est celle de la délivrance du conseil. Les instances européennes prônent un modèle de conseil aussi objectif que possible et qui respecte les intérêts de l’assuré ou de l’investisseur. Le fait que le distributeur soit rémunéré par le fournisseur jette, aux yeux de certains, une suspicion sur son objectivité voire sur sa crédibilité. Pour corriger ce péché originel, ils souhaitent que celui qui délivre le conseil soit directement payé par son client et donc par des honoraires. L’analyse des pays dans lesquels cette forme de rémunération est obligatoire (Royaume Uni, Pays-Bas) montre que la diffusion du conseil s’est rétractée. Nombre de clients, principalement les investisseurs modestes, réfutent le conseil qu’ils jugent onéreux.2 Résultat : un nombre important de consommateurs ne bénéficient pas d’un conseil adéquat. Les tenants des honoraires fustigent ces données et balayent l’idée d’un déficit d’accès au conseil. Ils soutiennent que le conseil en investissement indépendant est disponible à partir d’un euro dans ces pays. Ce qui n’est pas la perception de la FCA3 qui se demande si la réglementation au Royaume Uni n’est pas allée trop loin.
Ce débat est devenu idéologique et il est compliqué d’en poser les termes de manière apaisée. Deux points méritent, néanmoins, d’être retenus. Les systèmes de rémunération actuels sont critiquables, ils ne sont pas transparents et ne soutiennent pas assez la délivrance d’un conseil digne de ce nom. Ils sont donc perfectibles. Un deuxième aspect est que si les Pouvoirs publics veulent un conseil largement diffusé, il faut le financer et de ce point de vue les dispositions actuelles le permettent en mutualisant le coût de ce conseil.

Une troisième voie émerge sans bruit, celle de la transparence totale des frais y compris des rétrocessions, sans les interdire. La France en est la figure de proue avec le récent accord de place qui organise l’affichage des frais et des rétrocessions pour chaque contrat PER et d’assurance vie. Il semble que l’Allemagne partage cette vision et se dirige vers le même niveau de transparence. Ce qui pourrait représenter une alternative crédible à la dualité commissions /honoraires. L’enjeu est de favoriser davantage l’alignement des intérêts entre les clients, les distributeurs et les fournisseurs.

1 ESMA The European Securities and Markets Authority (ESMA)
2 Etude MEDI septembre 2020
3 FCA The Financial Conduct Authority (régulateur du Royaume Uni).

Henri DEBRUYNE

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