Le conseil victime de l‘acharnement contre les commissions !

par | 15 Juin 2023 | Eclairage

A travers la RIS1, Mairead McGuinness, Commissaire européenne aux Services financiers, envisage de renforcer la protection des consommateurs, de susciter leur confiance pour renforcer la dynamique de l’Union des marchés de capitaux. Las, son projet est clairement contreproductif.

La réglementation européenne a, jusque-là, cherché à promouvoir le conseil. L’affirmation d’origine était qu’aucun produit d’assurance ne pouvait être vendu sans le conseil adapté2. Cette louable affirmation fut vite battue en brèche puisqu’aujourd’hui nombre de pays n’en font plus une obligation et que dans d’autres, comme la France, le formalisme attaché à cette obligation n’est pas le plus respecté, notamment par les systèmes de vente sans intervention humaine. La RIS est l’occasion de rappeler l’importance du conseil pour permettre aux investisseurs de détail (les consommateurs) de faire des choix éclairés.

Malheureusement, l’idéologie s’en est mêlée et en prétendant corriger des biais générateurs de potentiels conflits d’intérêts, le législateur européen envisage des mesures qui ressemblent à l’effet d’un marteau pour écraser une mouche. L’interdiction des commissions et la pratique généralisée des honoraires seraient la panacée. Transparence totale, intérêts du client clairs et préservés. Evidemment, le simplisme n’est jamais efficace. La réalité, est dans les faits, complexe et impose des arbitrages et une hiérarchisation des objectifs. Or, en l’occurrence si le conseil est évoqué dans le projet de la RIS, en réalité, il pourrait en être la victime collatérale. Et, le recul de Madame McGuinness sur l’interdiction totale n’est qu’apparent. Les règles qui s’imposeraient risque de rendre le recours aux commissions impraticable.

Il est avéré que dans les pays où la commission a été interdite, l’effet majeur est la très forte contraction du conseil. Cela est démontré en Grande-Bretagne où le régulateur britannique (FCA) cherche à réinstaurer un financement du conseil après avoir constaté que près d’un investisseur sur deux n’y a plus accès. Les Pays-Bas, qui ont pris la même mesure, la même année (2013), ont longtemps prétendu que c’était une réussite. Les derniers travaux montrent qu’il n’en est rien. Une majorité de Hollandais se sont détournés du conseil et le taux de pénétration des contrats dans certaines couches de la population, les travailleurs indépendants notamment, a nettement baissé. Ce qui pose un autre problème. Depuis 2013, la proportion de Néerlandais bénéficiant d’une assurance invalidité professionnelle et d’une assurance vieillesse privée est en baisse, en particulier parmi les personnes socialement défavorisées et les travailleurs indépendants.3

Certes, il n’est pas contestable que certaines pratiques sont condamnables. Aux Pouvoir Publics et aux organisations professionnelles de traiter ces dérives, pour autant le conseil, majoritairement bien rendu doit être préservé. Ce n’est pas seulement l’enjeu d’une profession, c’est d’abord celui de dizaines de millions d’épargnants et de la vitalité d’un secteur fortement contributeur au financement de l’économie.

1 RIS Retail Investment strategy
2 Promoteur de la DDA, Michel Barnier commissaire européen, le 3 juillet 2012 Bruxelles
3 Cité par Versicherungsbote, le 13 juin 2023

Henri DEBRUYNE

Contactez-nous