L’assurance santé devant le mur des réalités

par | 18 Jan 2024 | Eclairage

La situation des comptes de l’assurance maladie est déséquilibrée, l’activité des organismes de complémentaire santé est quasi déficitaire alors que la progression des dépenses est, en tendance, supérieure à la croissance du PIB. Un constat qui a du mal à mobiliser. Les menaces paraissent lointaines alors que le reste à charge des ménages est contenu et la marge de solvabilité des organismes santé confortable.

Les annonces des hausses de tarifs dans l’assurance santé complémentaire ont soulevé un tollé. Que les assurés et leurs hérauts, les associations de consommateurs, s’insurgent, ils sont dans leur rôle. Plus surprenant, les représentants de la Puissance publique y ont fait écho. Ce qui n’est pas responsable car la situation est certes préoccupante mais ce n’est pas propre à la France. L’OCDE1 vient de prévenir que la hausse des dépenses publiques de santé devrait être deux fois plus forte que les recettes de l’Etat entre 2019 et 2040. Or, dans nombre de pays – c’est le cas de la France – ces déficits sont financés par de la dette. Bref, une situation doublement explosive. A données constantes, la part du PIB consacrée à la santé passera de 8.8% à 11.2% en 2040 pour l’ensemble des pays de l’OCDE.

La France subit les mêmes effets d’une croissance des dépenses soutenue. Elle subit les coûts de traitement de plus en plus chers et le vieillissement de la population. Elle atteint déjà 11.7% du PIB consacré à la santé en 2022 et s’inscrit dans la tendance des pays « riches ». Le déficit du régime maladie est porté par la CADES2 qui se finance sur les marchés financiers internationaux. Depuis sa création, elle a amorti 242.6 milliards d’euros soit les deux-tiers de la dette sociale depuis 1996. Elle est devenue le premier émetteur mondial d’obligations sociales sur l’année 2022 ! Elle remplit bien sa mission, néanmoins cela n’est pas vraiment un titre de gloire au bénéfice de la Nation. Dans tous les cas, ce n’est pas une réponse aux questions posées par le déséquilibre structurel et l’inévitable creusement de celui-ci.

La complémentaire Santé en France est strictement confrontée aux mêmes perspectives. Celles-ci sont aggravées par le fait que ses dirigeants n’ont pas de réelles latitudes pour gérer une situation complexe entre les contraintes étatiques et la pression concurrentielle. Le dernier rapport de l’ACPR3 consacré à l’assurance de santé et de prévoyance rappelle quelques évidences. Un ratio combiné à peine à l’équilibre qui cache des disparités fortes. La situation des organismes régis par le Code de la mutualité est plus dégradée que celle des entreprises d’assurances. Cela se traduit dans les parts de marché. Ainsi en 2022, 46 % des prestations des complémentaires ont été versées par des mutuelles, 34 % par des entreprises d’assurance et 20 % par des institutions de prévoyance. Les mutuelles perdent des parts de marché depuis plusieurs années, au profit des entreprises d’assurance. La part des institutions de prévoyance, est stable à 20%. En réalité tout cela signe une situation d’équilibres précaires. Ce qui est préoccupant est le fait que cela n’entraine aucune prise de conscience collective.

Il est vrai que le reste à charge des ménages est de 7.2% de l’ensemble des dépenses, il diminue de manière régulière depuis 10 ans et il est le plus faible des pays développés. De même que le système de soins français, tant décrié, reste l’un des plus performants au monde. L’ACPR, pour sa part, est rassurée de constater que le taux de couverture du capital de solvabilité requis est confortable (entre 238% et 270% suivant les organismes). Comme pour les risques climatiques, la situation est en train de devenir périlleuse, mais pour l’instant peu en ont conscience. Cela n’entame apparemment pas leur confort immédiat !

1 Organisation de coopération et de développement économique https ://www.oecd.org/fr/sante/panorama-de-la-sante/
2 Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale
3 acpr.banque-france.fr/

Henri DEBRUYNE

Contactez-nous