INDEXIA (ex SFAM) : Un échec collectif
Les dirigeants d’INDEXIA (ex SFAM) sont convoqués devant le Tribunal judiciaire de Paris du 25 mai au 5 juin 2024. Comment les comportements qui seront jugés ont-ils pu dériver pour en arriver là ?
Pratiques commerciales trompeuses et obstacle à un contrôle, tels sont les griefs des poursuites engagées à l’encontre des sept filiales du groupe INDEXIA. Les sanctions pourraient s’élever à 1.5 millions d’euros d’amendes et Sadri Fegaier, le président, encourt une peine de deux ans de prison et une amende de 300 000 euros. En réalité, nous arrivons au point, peut être ultime, des agissements de ce courtier dans les activités d’assurance en France sinon en Europe. En effet, l’ACPR de son côté, en avril dernier, a pris une mesure conservatoire d’interdiction temporaire de distribution de tout contrat d’assurance à l’encontre de la SFAM, société détenue par le groupe Indexia.
Ces agissements ne sont pas nouveaux, les pratiques du groupe INDEXIA ont déjà été sanctionnées par la Répression des fraudes en 2019. Ce courtier affinitaire avait été condamné à payer une amende de 10 millions d’euros. Somme importante, mais qu’il faut mettre en regard de son CA de 1.2 milliards d’euros en 2021. Bref, cette situation scandaleuse est installée depuis des années et les sanctions répétées n’y ont rien changé jusqu’à l’interdiction prononcée par l’ACPR. Or, cette situation était largement connue, les médias en faisaient régulièrement état et le marché bruissait d’informations dont la récurrence aurait mérité qu’on y regardât d’un peu plus près. Certains acteurs, d’ailleurs, discrètement prenaient leurs distances. Mais pas tous, ses partenaires-assureurs lui ont été fidèles, semble -t-il, au-delà du raisonnable. Ses actionnaires aussi ont attendu pour s’écarter y compris Bpifrance. La banque publique d’investissement, présente au capital depuis 2018 n’a rompu ses liens avec Indexia qu’en octobre dernier. Or, en soi elle est une référence.
En définitive, les diverses sanctions, les multiples procédures, n’ont pas changé grand chose et il a fallu attendre la mesure drastique prise par l’ACPR pour que les partenaires d’INDEXIA tirent les conséquences des comportements contestables et contestés de cet acteur. Sa chute probable sera le fait de son comportement, mais aussi, n’en doutons pas, du laisser-faire de ses partenaires assureurs et financiers. En cela, la chute d’INDEXIA sera également un échec collectif. Il n’est d’ailleurs pas exclu que certains de ces partenaires voient leurs responsabilités recherchées. Sur le strict plan du Code des assurances, ils pourraient être amenés à expliquer comment leur obligation de contrôle a été prise en défaut ? Comment tous ces abus, largement commentés dans la presse ne les ont pas alertés ? Quant aux actionnaires, leur absence de vigilance est criante, en partie Bpifrance, bras armé de l’Etat, qui se trouve dans une position pour le moins désagréable.
L’opprobre suscité par une telle affaire rejaillit sur l’image de l’assurance, dans son ensemble et sur les intermédiaires en particulier. C’est à la fois insupportable et douloureux car cela porte atteinte à leur professionnalisme et à leur probité. Il reste à espérer que la justice soit ferme. Au-delà des comportements qu’elle va juger, il est important qu’elle montre qu’il n’y a pas d’impunité possible. En cela, elle renforcera l’action de la DGCCRF et de l’ACPR. D’autant que cette dernière, dans une recommandation récente, a rappelé les responsabilités des intervenants sur l’ensemble des acteurs de la chaîne de distribution et pas seulement celles du distributeur final.
Henri DEBRUYNE