Imaginer des modes de rémunération éthiques

par | 14 Sep 2023 | Eclairage

Le débat sur les rémunérations ne cesse de rebondir, suscitant autant de craintes que d’incompréhensions. Et en cette rentrée 2023 encore plus fortement.

Le souci de prévenir les conflits d’intérêts entre un distributeur d’assurance et son client est une des préoccupations majeures de l’évolution réglementaire. La rémunération ou plus exactement son mode de calcul ne doivent à aucun moment induire des comportements de nature à altérer le strict respect des intérêts des clients. L’ambition dominante est de mettre le distributeur en situation objective, pour assumer ses obligations de conseil. Il s’agit bien de l’objectif principal auquel s’est adjointe une dimension plus économique, avec pour l’instant, une acuité particulière sur les produits d’investissement. Ce n’est pas une préoccupation nouvelle, même si elle s’est faite longtemps discrète.

En réalité, ces deux aspects de la prévention des conflits d’intérêts et des frais de distribution des produits sont structurels dans la politique de la commission européenne de la gestion des affaires et nous n’y changerons rien. Le respect des intérêts des clients et le libre jeu de la concurrence pour peser sur les coûts sont bien consubstantiels à sa doctrine. Ceci posé, le législateur européen, comme tous les législateurs, n’est pas à une ambiguïté près. Le service du client et la qualité du conseil qu’il est en droit d’exiger ont un prix. Le fait de demander à un distributeur d’agir de manière honnête, impartiale, professionnelle et dans le meilleur intérêt de ses clients1 impose de lui donner les moyens de le faire.

Interdire les commissions ou conditionner leur versement à des dispositions quasi impraticables conduit à une impossibilité. Nous connaissons le prix de revient de l’heure de conseil. Certes, il peut être optimisé et cela peut ressortir du jeu de la concurrence, mais le contraindre très fortement est impossible sauf à entamer sa qualité. Ce qui n’est probablement pas le but recherché. Alors, où est la voie raisonnable ? En premier lieu, il faut cesser de rechercher la quadrature du cercle et d’imaginer le système idéal. Il n’est pas possible de rehausser les exigences, au demeurant légitimes, de compétences et de qualité du conseil à un coût si bas que cela n’est pas praticable. Le législateur à Paris comme à Bruxelles doit éviter de penser à la place des clients. En d’autres termes, il doit leur permettre de faire les choix qu’ils jugent bons pour eux-mêmes y compris en matière de rémunération sans être confrontés à des procédures rebutantes. Bien sûr, cette liberté de choix doit être encadrée, mais faut-il encore que la Commission européenne en pose le principe et fixe les conditions de son respect.

Ensuite, les professionnels doivent bien comprendre la profondeur de la remise en cause de pratiques grâce auxquelles ils ont pu depuis longtemps gérer les objectifs commerciaux par des incitations financières. C’est un mode managérial qui doit disparaitre, car à l’évidence, l’intérêt des clients passe au second plan, derrière ceux de l’entreprise et des distributeurs. Ce n’est guère facile lorsque l’on prend conscience que ces leviers financiers sont assez en écho avec le mode de fonctionnement des commerciaux eux-mêmes, surtout les plus performants. Il est toujours délicat de changer un dispositif qui donne des résultats. Néanmoins, ces dispositifs, aussi efficaces soient-ils, ne favorisent pas ou plus la manière dont les clients veulent être traités. Il faut donc qu’ils évoluent pour intégrer plus largement la qualité de la relation client et d’une manière éthique.

Les professionnels et les institutions qui les représentent sont vent debout face aux perspectives d’une réforme brutale des modes de rémunération. Ils ont raison d’être soucieux. En revanche, ils n’éviteront les menaces que s’ils restent force de proposition. Il est vain, voire contreproductif de défendre le statu quo. Le débat est devenu pour l’essentiel économique et éthique et c’est là qu’il faut le porter pour proposer des formes de rémunération qui servent les clients dans un cadre sécurisé et offrent un niveau de qualité en adéquation avec les attentes de ces derniers.

1 Article 17§1 de la DDA

Henri DEBRUYNE

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