Les hausses de cotisation des complémentaires santé en débat au Sénat : le mistigri de la grande sécu est-il de retour ?

par | 11 Avr 2024 | Eclairage

Les mauvaises idées ont la peau dure ! La preuve avec ce débat qui agite les sénateurs qui cherchent une parade à la hausse des cotisations en assurance santé.

La dérive des frais de santé et l’inflation se sont conjuguées pour imposer une hausse des cotisations, certes significative, mais indispensable à l’équilibre technique des complémentaires santé. Légitimement, les assurés s’en sont émus et la classe politique s’en est fait l’écho. Le Sénat a dégainé son arme favorite : une mission d’information. Elle porte sur les complémentaires santé et le pouvoir d’achat des Français. En fait, c’est un nouveau remake de débats antérieurs, qui reviennent régulièrement tels les marronniers, ces articles de presse qui ponctuent l’activité des médias, sans apporter d’informations nouvelles et encore moins d’esquisse de solution.

Tout a été dit, sur les chiffres, l’optimisation des coûts, la recherche d’économies pour un système de santé à la peine et dont le financement prend eau de toutes parts. Le régime général d’assurance maladie a constamment été déficitaire depuis 2002. Aucune mesure ne lui a jamais permis de revenir à l’équilibre. Une constance dans le déficit qui rend suspect l’intérêt porté aux complémentaires par les sénateurs. D’autant qu’il se focalise sur une comparaison avec la Sécurité sociale qui est impossible. Les assureurs, appelés Ocam1, régis par les règles du Code des assurances, doivent équilibrer leurs comptes. Ils ne peuvent donc faire de déficit récurrent. Ils doivent ajuster leurs recettes et leurs charges. Le régime général a institutionnalisé l’endettement et se déleste de certaines charges vers les complémentaires. Le 100% santé est un bon exemple. Il avait pour objet de garantir un meilleur accès aux soins dans les secteurs dentaire, auditif et optique par l’instauration de paniers de soins conjointement pris en charge par l’Assurance maladie obligatoire et les contrats complémentaires responsables, sans reste à charge pour l’assuré. Il s’est traduit par une charge significative pour les complémentaires qui a été répercutée sur les assurés alors que les travaux préalables la donnaient à coût nul. Reste le débat sur les frais et les rémunérations qui met en évidence la performance du régime général. Mais là encore les comparaisons ne tiennent pas, comment comparer un service public et des organisations d’un secteur concurrentiel ?

Ce que l’on dit moins est cette propension à vouloir régenter un régime par essence libre. Des pays européens comparables, que leurs régimes soient d’inspiration beveridgienne ou bismarckienne, la France est le seul à régenter ses complémentaires. Dans les autres pays le régime complémentaire est peu contraint, voire bénéficie d’une grande liberté d’action : les assureurs décident de la composition du panier de soins, peuvent sélectionner les risques, fixer librement leurs tarifs, utiliser des questionnaires de santé préalables à la souscription… Le système français et en réalité en cours de privatisation. Et, les Ocam ont la part ingrate et l’équilibre économique de leur activité n’est plus avérée, beaucoup essuient des pertes sans grand espoir de retrouver un équilibre.

Que vont pouvoir dire les sénateurs qui s’inquiètent ou s’insurgent de la hausse des cotisations ? D’une part, la technicité du sujet est à un niveau élevé, d’autre part la source du problème n’est hélas pas, dans les organismes complémentaires qui font plutôt bien leur métier, mais dans un système qui semble bien échapper à tout contrôle. En particulier à celui de la représentation nationale.
1 Organismes complémentaires d’assurance maladie.

Henri DEBRUYNE

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