2024, l’année de l’assurabilité ?
Cet exercice de début d’année nous invite à la lucidité. Non, la situation de l’assurance aujourd’hui n’est en rien catastrophique, oui l’accumulation des difficultés et les perspectives qui s’annoncent signent la fin d’un cycle.
2023 somme toute, n’a pas été une année défavorable aux activités d’assurances. La capacité du secteur à faire face aux vicissitudes d’un contexte économique difficile est avérée et la solidité financière des organismes d’assurances s’est renforcée. Ces derniers abordent donc 2024 dans de bonnes conditions. Pour autant, les enjeux immédiats ou à plus long terme deviennent prégnants. Probablement, parce que nous arrivons à la fin d’un cycle et que nous touchons aux limites des modèles assuranciels conçus pour gérer les risques d’hier. De la couverture des besoins sociaux (santé, retraite, grand âge) à ceux des catastrophes naturelles les enjeux deviennent considérables. Ils dépassent les seules capacités de l’assurance et revêtent une complexité que l’appareil étatique ne peut satisfaire.
Or, nous sommes au cœur des métiers de la gestion des risques et les assureurs maîtrisent les savoir-faire indispensables pour relever ces défis. Ils le démontrent tous les jours. La question centrale est celle de l’assurabilité et, en soi, elle est un défi majeur. En effet, nous voyons bien que les transformations climatiques – mais elles ne sont pas les seules – revêtent une dimension quasi existentielle. La vitesse du changement fait qu’il ne s’agit plus d’une perspective de moyen/long terme. Sous bien des aspects, nous sommes au pied du mur, sinon de la montagne. Nous pouvons déjà percevoir que les leviers techniques et tarifaires ne suffiront pas. Sur ce plan, 2024 sera un avant-goût et déjà des tensions apparaissent. Les réponses ne relèvent pas du seul arsenal des techniques traditionnelles d’assurance, elles vont faire appel à la prévention d’une manière bien plus contraignante que les gentilles invitations aujourd’hui pratiquées. Celle-ci devra prendre une place majeure dans la mise en œuvre de l’assurance. Il est désormais évident qu’en dehors de l’acceptation de ces mesures et de leur respect, il n’y aura pas de garanties. Cela se vérifie déjà dans le cyber risque. Sans étirer le trait, l’évolution de de la couverture santé est aussi confrontée à cette question de l’assurabilité. Les complémentaires ne pourront pas longtemps participer à un dispositif sur lesquels elle n’ont aucune prise alors qu’elles sont soumises, même si c’est pour les meilleures raisons, au diktat de la Puissance publique.
La question de l’assurabilité est finalement une question sociétale. Pour que l’assurance puisse y apporter une contribution à la hauteur de ses capacités, il faut que ses relations avec l’Etat s’inscrivent sur un mode différent de celui que nous connaissons. D’une part, les sommes désormais en jeu sont hors de portée des capacités assurancielles, il faut donc imaginer des dispositifs nouveaux, à l’instar de ce qu’il existe pour les catastrophes naturelles, et qui fonctionne plutôt bien. Ce qui implique ipso facto, que les relations avec la Puissance publique s’inscrivent dans un réel partenariat. C’est d’ailleurs un prérequis.
En cela 2024 sera peut-être une année charnière. Elle nous invite à adopter un champ de vision bien plus large et plus impliquant que les perspectives, légitimes en soi, du business courant. Ainsi que nous y invite Agéa lors de sa convention climat 2024.
Henri DEBRUYNE