Les peurs altèrent la lucidité

par | 15 Déc 2022 | Eclairage

La conjonction du rappel des règles, du resserrement de certaines sur les rémunérations et des comportements indélicats de quelques-uns ravivent des peurs irrationnelles.

Le propos fort, pour ne pas dire musclé, de Jean-Paul Faugère1, quelques condamnations de pratiques anormales voire scandaleuses et le marché bruisse de propos sur les menaces imminentes et révoltantes qui pèsent sur leur activité professionnelle, et sur l’impossibilité programmée de faire du business.

Il faut raison garder et éviter de tomber dans une paranoïa auto-entretenue. Trois sujets sont sources d’incompréhension ou de préoccupation, ce qui est légitime, nécessite d’être vigilant, mais ne signe pas la mort des activités de distribution telles que nous les connaissons.

Le premier sujet est celui des rémunérations. Certes, des propos ou des courants de pensées quasi idéologiques, et qui ont la pertinence d’envolées militantes, menacent les commissions d’un changement radical. Rappelons-nous, qu’en France le conseil en matière d’assurance est obligatoire. Ce qui n’est pas le cas d ans tous les Etats de l’Union européenne. Et, sur ce point les Pouvoirs publics français n’ont jamais varié, donc il le restera. Il faut donc bien rémunérer ceux qui le rendent et à un niveau suffisant. Sinon, ils vendront autre chose. Jouer avec ce paramètre ne s’est jamais révélé un progrès et c’est même plutôt l’inverse comme nous pouvons l’observer en Grande-Bretagne. Ceci posé, ayons la lucidité de reconnaître que, malgré la réglementation, des pratiques anormales perdurent et ce sont elles qui desservent la cause et font considérer que le commissionnement est un système pervers.

Les pratiques commerciales, ensuite, sont aussi l’objet de réprobation. Reconnaissons, là encore, qu’il faut d’abord balayer devant notre porte et que les pratiques dénoncées de quelques malfaisants, très peu nombreux, jettent l’opprobre sur le plus grand nombre dont le comportement est conforme à ce que l’on peut attendre. Cependant, ces forfaits sont faiblement dénoncés, peu sanctionnés, mais parfois tolérés. Il ne doit pas y a avoir de place pour ces acteurs qui s’autorisent à bafouer les règles et plus grave encore à ne pas respecter les clients. Car, au bout du bout, c’est bien de cela qu’il s’agit. La réglementation décline toute une série d’obligations, mais il s’agit d’abord d’éthique, ce qui recouvre des valeurs d’intégrité, de probité et de respect de l’autre.

L’intermédiation, enfin, plus encore que la distribution est un engagement qui vise à proposer, conseiller et aider à conclure des contrats d’assurance. Ce qui dépasse largement la seule fonction de distribution puisqu’elle présuppose que l’intermédiaire est, par construction, placé entre un client et un ou des offreurs de solutions ou de produits. L’intermédiaire n’est pas dans une position de commerce traditionnel d’achats et de ventes de biens ou de services. Il vend naturellement des produits ou des solutions, mais le cadre intermédié et la nature de ce qu’il vend l’obligent à une relation différente plus équilibrée avec le client qu’il doit conseiller et accompagner. Cette relation impose plus de contraintes et nécessite plus de vertu sans quoi elle est vide de sens et ne se justifie pas.

La période est troublée, les repères parfois s’estompent, mais il faut fournir un effort de lucidité pour garder la tête froide.
1 Jean-Paul Faugère est le vice-président de l’ACPR. Il s’exprimait le 5 décembre 2022 lors de la Conférence annuelle de cette institution

Henri DEBRUYNE

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