Le conseil a un coût

par | 4 Fév 2021 | Eclairage

Chez BNP Paribas, le conseil aux clients devient payant. Après une phase de test, la banque a décidé d’en généraliser la facturation à ses clients qui y sont prêts. Une initiative lucide et courageuse qui force à regarder quelques réalités en face.

Dans la banque, comme dans l’assurance, le coût du conseil n’est pas facturé. Il est donc perçu comme étant gratuit, alors même que les exigences des clients, comme celles des pouvoir publics, ne cessent de se renforcer. Après avoir longtemps louvoyé en facturant des frais de tenue de compte, puis diverses prestations, la question du coût de la relation avec un conseiller s’est crûment posée. La réalité économique a fait le reste. BNP a donc sauté le pas et d’ici fin 2022, la relation avec un conseiller dédié sera généralisée et donc facturée. La banque commence modestement avec un abonnement de 12€ par mois, mais elle ajustera sûrement assez vite. N’en doutons pas cette activité est chronophage.

Les agences proposeront deux services. Le premier basique avec l’accès à un conseiller non attitré. Le second individualisé, payant et qui sera rendu par un conseiller, mieux formé, plus compétent précise la banque, reconnaissant en creux que jusque-là ses réseaux ne sont pas à ce niveau. Quoiqu’il en soit, elle prend un virage risqué, mais surtout engageant car la différence de prestation devra être notable sur le triple plan de la compétence, de la qualité et de la disponibilité. En d’autres termes, la valeur ajoutée devra être probante, vérifiable et constante (*). La relation entre le conseiller et son client ne sera plus la même, ce qui ne sera pas sans incidence sur celle que dernier entretient avec la banque qui l’emploie.

Cela devrait inspirer l’assurance. Certes, les assureurs ne sont pas tout à fait dans le même contexte. Néanmoins, la question de la valeur ajoutée se pose avec la même acuité. Il faut bien reconnaitre que le système de rémunération actuel, s’il a bien des avantages, noie dans la cotisation payée par le client la part qui revient au conseil. Du coup, l’incitation à affirmer et démontrer une réelle valeur ajoutée parait moins indispensable. Et pourtant, elle est en passe de devenir vitale pour des réseaux qui doivent démontrer la réalité de leurs savoir-faire. Comme dans le secteur bancaire avec les Fintechs et autres Néobanques, la pression des Assurtechs, encore modeste, va de plus en plus servir de révélateur. Des modèles très épurés, en termes de frais généraux, avec des prestations limitées, ne rêvent que de mordre dans les parts de marché. Et ils ont de l’appétit.

Ceci sur fond de contestation réglementaire : l’ESMA fustige les effets pervers des commissions, l’ACPR n’est pas en reste et fait de cette question des rémunérations l’une de ses priorités. Inconscients ou provocateurs, des acteurs assureurs et courtiers maintiennent des systèmes de commissionnement contestables. Qu’ils en assument les risques est leur affaire, mais ce qui est plus grave est qu’ils confortent les pourfendeurs du système sur lequel est bâti le modèle économique de l’intermédiation et des réseaux dédiés. Ce qui a pour effet de polluer une approche objective de cette question.

L’autre leçon de cette opération est que BNP, après s’être – sûrement – longtemps interrogée, a fait un test grandeur nature de 18 mois sur une trentaine d’agences. Elle a mis en évidence que si le conseil a un coût, les clients pour des prestations véritables étaient prêts à le payer.

(*) Attention toutefois, surtout en assurances, à ce que le conseil basique gratuit – qui prendra vraisemblablement la forme d’un simple contrôle de cohérence automatisé – continue à mériter le nom de conseil, au sens des exigences tant de la réglementation (recommandation personnalisée) que de la jurisprudence (obligations d’information et de conseil qualifiées d’individualisées par nature). A fortiori en matière d’assurance vie…

Henri DEBRUYNE

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