OPPOSABILITE DES CONDITIONS GENERALES A L’ASSURÉ – DOIT IL AVOIR EU UN DELAI SUFFISANT POUR EN PRENDRE CONNAISSANCE ?
Un couple commande des travaux de rénovation sur sa nouvelle maison ; les travaux prennent du retard et présentent des malfaçons. Après expertise judiciaire, le couple assigne l’artisan et son assureur la MAAF pour obtenir, notamment, leur condamnation à réparer le préjudice de jouissance ainsi que la prise en charge du coût des travaux de reprise et des pénalités de retard.
L’assureur refuse d’intervenir, sur le fondement d’une clause excluant de sa garantie les dommages matériels ou immatériels résultant de l’inexécution des obligations de faire ou de ne pas faire incombant à l’assuré. En appel, la cour déclare cette clause inopposable à l’assuré, car les conditions générales du contrat lui ont été transmises le jour de sa signature soit à la dernière minute dans le cadre d’une documentation dense. Or, selon la cour d’appel, il aurait fallu que les CG soient remises et portées à la connaissance de l’assuré avant la souscription du contrat, avec un temps suffisant pour en prendre connaissance.
La MAAF se pourvoit en cassation et vient d’obtenir gain de cause le 7 novembre : la Cour de cassation commence par rappeler qu’une clause d’exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l’assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable. Elle relève ensuite que l’assuré avait reconnu, par une mention expresse de la proposition d’assurance revêtue de sa signature, que les conditions générales, comportant la clause d’exclusion de garantie litigieuse, lui avaient été remises avant la signature du contrat. Par conséquent, les CG sont bien opposables à l’assuré.
La propension de la Cour de cassation à se montrer particulièrement exigeante sur le formalisme envers les assureurs, n’est donc pas sans limite. Elle refuse notamment – comme ici – de créer ex nihilo au bénéfice de l’assuré un délai de réflexion lui permettant raisonnablement de prendre connaissance des dispositions du contrat qu’il s’apprête à souscrire, particulièrement celles à caractère restrictif. Ce droit n’existe pas dans la législation actuelle, même si son utilité revient régulièrement dans les réflexions de certains comme le CCSF, dans le cadre bien plus général de la mise en œuvre de la DDA quant aux obligations d’information et de conseil.
Source : Cour de cassation n° 23-10.612