Une compagnie d’assurance vie dans la tourmente : Quelles leçons en tirer ?

par | 16 Mar 2023 | Eclairage

Eurovita, une compagnie d’assurance italienne, se trouve sous administration provisoire et, semble-t-il, en situation de péril avec des clients qui risquent de perdre tout ou partie de l’épargne qu’ils lui ont confiée.

Le régulateur italien (l’IVASS) a pris brusquement ses responsabilités en plaçant cette compagnie d’assurance vie sous administration provisoire et en bloquant les rachats de contrats jusque au 31 mars prochain. Si aucune solution n’est trouvée, d’ici là, la situation de péril sera avérée et les clients perdront tout ou partie de leur épargne. La gestion provisoire d’Eurovita est confiée à Alessandro Santoliquido, un professionnel reconnu, qui s’attèle à obtenir la recapitalisation pour éviter la liquidation forcée.

L’affaire fait grand bruit. Eurovita distribue l’essentiel de ses produits par le canal de réseaux bancaires qui ne peuvent rester indifférents au sort de cette compagnie. Ce sont leurs clients qui sont concernés. Au-delà du préjudice d’image déjà évoqué par l’agence de notation Moody’s, leur responsabilité pourrait être recherchée, car les problèmes d’Eurovita (holding) semblent dater de quelques temps. En effet, le ratio de couverture du SCR Groupe sans application de la correction pour volatilité était égal à 1,28 au 31 décembre 2021 (1,54 au 31 décembre 2020). A cela, se sont ajoutées les difficultés du moment liées à la remontée des taux, au choc obligataire qui s’en est suivi, puis au retour de l’inflation et au resserrement monétaire des banques centrales. Bref, une tourmente dont les dirigeants ne sont pas responsables, mais la gestion des risques et leur anticipation font partie du job !

Quoiqu’il en soit la santé financière délicate d’Eurovita était un secret de Polichinelle et aurait nécessité des mesures fortes bien plus tôt, même s’il est toujours facile de le dire après, qu’avant. L’actionnaire, la société de capital-investissement britannique Cinven, a fini par injecter 100 millions d’euros, fin février, après avoir beaucoup tardé. Mais cela ne sera pas suffisant, 300 millions de plus seraient nécessaires. Aussi, la chasse au repreneur est ouverte. Les regards se tournent vers les leaders du marché qui ne se montrent guère empressés. A l’instar de Philippe Donnet, président de Generali, interrogé sur ce dossier lors de la présentation des résultats de son groupe.  Sa réponse est claire : « Nous avons un modèle économique très solide, nous proposons à nos clients des solutions de protection sur mesure grâce à un réseau d’agents très professionnel. C’est notre métier, nous le faisons bien et avec succès ».

Cette situation appelle trois commentaires d’évidence. Le premier est que l’environnement s’est tendu au point de menacer des compagnies que l’on croyait solides et qui plus est ne se sont pas livrées à des gestions hasardeuses. Le second est que les distributeurs doivent être vigilants. La surveillance du régulateur, aussi indispensable soit-elle, n’est pas suffisante. Ceux qui recommandent des produits d’assurance à leurs clients doivent se doter des outils pour avoir la plus exacte appréciation de la situation des porteurs de risques. Cela peut surprendre, mais c’est devenu la plus élémentaire prudence, tous les marchés européens peuvent demain être confrontés à des situations comparables.

Enfin, la solidarité de place, qui a souvent permis à des acteurs solides de voler au secours de situations plus ou moins dégradées, n’est plus de mise. En Italie comme ailleurs, ceux qui se sont appliqués à bien gérer, à anticiper n’ont aucune envie de suppléer les insuffisances des autres au risque d’ailleurs de dégrader, même un tant soit peu, leur situation. C’est aussi une question de morale. En l’occurrence Cinven doit assumer ses responsabilités jusqu’au bout

Henri DEBRUYNE

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