PROCES TEST DE LA FCA CONTRE 8 ASSUREURS – SYNTHESE COMPLETE – 30 07 2020
PARTIES EN PRESENCE
Demandeur : la FCA, régulateur britannique assisté par une équipe d’avocats pilotée par Me EDELMANN, QC (Queen’s Counsel).
Défendeurs : 8 assureurs considérés comme représentatifs dans l’affaire des garanties BI (Business Interruption) :
1. ARCH INSURANCE
2. ARGENTA SYNDICATE MANAGEMENT
3. ECCLESIASTICAL
4. HISCOX
5. MS AMLIN
6. QBE
7. RSA
8. ZURICH
Le procès est supervisé par deux magistrats : le juge Butcher (Tribunal de Commerce), et le Lord Justice Flaux (juge de la Cour d’appel).
CALENDRIER
Le procès se tient du 20 au 23 juillet, puis du 27 au 30 juillet, de 10h30 à 16h30.
Jours 1 à 3 : observations préliminaires du demandeur
Jours 4 à 7 : observations des défendeurs
Jour 8 : observations finales du demandeur.
JOUR 1 – LUNDI 20 JUILLET
Rappel du contexte : si le procès-test est dirigé contre 8 assureurs représentatifs, la situation litigieuse concernerait 370 000 assurés, 700 types de contrats différents et 60 assureurs.
La FCA estime que les assureurs ont adopté une approche indûment étroite et placé des obstacles inappropriés sur le chemin des assurés.
Elle leur reproche l’énorme volume de leurs observations (850 pages), et le niveau de certains de leurs arguments.
Le point de savoir si la décision de lockout prise le 16 03 par le gouvernement était bien de nature à déclencher une garantie BI, est rapidement balayé. ZURICH se demandait si le gouvernement était une autorité civile compétente pour prendre ce type de décision, la remarque se voit qualifier de ridicule. Est de même qualifiée d’absurde le parallèle tenté par un autre assureur entre le « people should avoid pubs » de Boris Johnson et le célèbre « mangez 5 fruits par jour » !!!
Des débats plus longs ont lieu à propos de la proximate cause et du caractère exceptionnel de la pandémie de Covid19.
JOUR 2 – MARDI 21 JUILLET
Deux jurisprudences antérieures sont successivement abordées, toutes deux concernant également des événements exceptionnels de niveau comparable à la pandémie de Covid 19, et certains assureurs y faisant référence pour justifier leur refus total ou partiel de garantie. Dans les 2 cas, les dommages pouvaient être considérés comme ayant deux causes concomitantes, dont l’une seulement était assurée.
La 1ère affaire concernait un hôtel nommé Orient Express qui avait dû fermer 2 mois suite à des dommages occasionnés par l’ouragan Katrina. La 2ème affaire concernait les armateurs d’un bateau de croisière nommé Silversea et des pertes pécuniaires subies à l’occasion des attentats du 11 septembre.
Les avocats de la FCA balayent la pertinence de toute comparaison avec l’objet du procès-test. Pour eux, la garantie est due dès lors que l’une des causes est assurée et que l’autre n’est pas exclue. Ils ont des propos virulents à l’égard des assureurs, les accusant de « picorer » dans leurs conditions générales les seuls éléments qui les arrangent !
JOUR 3 – MERCREDI 22 JUILLET
Les débats du jour ont surtout permis de constater que les arguments des huit assureurs en cause se contredisaient souvent voire se nuisaient entre eux.
Les principaux sujets de discussions continuent à tourner autour de deux raisonnements complémentaires, utilisés dans la Common Law en présence d’une chaîne de causalités :
– Proximate cause : il s’agit de déterminer si telle ou telle cause peut être considérée comme ayant été suffisamment proche du dommage pour l’avoir provoqué.
– But for : il s’agit d’imaginer ce qui se serait produit en l’absence de l’une des causes possibles ; si l’exercice intellectuel aboutit à la conclusion que le dommage serait survenu de toute façon, le facteur en question n’est pas retenu comme causal.
Les avocats de la FCA ne ménagent pas davantage les assureurs que pendant les 2 premiers jours d’audience, au point que certains avocats de la défense demandent au Tribunal que les assureurs – « qui ne sont pas des bad people » – soient traités équitablement.
JOUR 4 – JEUDI 23 JUILLET
De nouvelles compagnies défenderesses soutiennent leurs arguments.
Les débats tournent comme précédemment autour de la clause de rayon géographique (maladie survenue à plus ou moins de 25km, de 40km … de l’établissement contraint de fermer), de la question des causes multiples, et de la quantification des pertes d’exploitation.
Comme depuis le début du procès, les échanges violemment ironiques bien que parfois lettrés sont légion.
A relever un particularisme britannique à travers la présence de la compagnie ECCLESIASTICAL, couvrant comme son nom l’indique les pertes d’exploitation … des églises ; le tiers des revenus des églises provient des quêtes lors de services religieux et des dons de touristes.
JOUR 5 – LUNDI 27 JUILLET
C’est au tour d’HISCOX d’être sur la sellette, en présence de représentants de l’action de groupe intentée contre cet assureur.
Les clauses des diverses formules de contrats HISCOX concernées sont longuement disséquées, avec focus sur des notions similaires à celles des jours précédents, mais aussi sur la notion d’incapacité ou non d’utiliser les locaux. L’avocat d’HISCOX précise que « pour beaucoup d’assurés, la vie continue ».
Il souligne par ailleurs le caractère sans précédent d’une directive gouvernementale ordonnant à la population de faire quelque chose sans que ce soit juridiquement contraignant. Pour lui, personne n’aurait pu y penser lors de la rédaction d’un contrat d’assurance.
JOUR 6 – MARDI 28 JUILLET
L’avocat d’HISCOX termine sa plaidoirie et déclare que « la FCA vit dans un autre monde ».
Puis un autre avocat intervient tour à tour pour ECCLESIASTICAL, avec un nouveau débat autour des notions de clause d’exclusion / clause de définition de garantie ; puis au nom d’AMLIN avec les thèmes devenus habituels depuis le début du procès : rayon de survenance, valeur juridique du conseil donné par Boris JOHNSON…
Ensuite l’avocat d’ARCH n’innove pas davantage, puisqu’il argumente sur la notion d’accès aux locaux. En revanche il distingue entre diverses catégories d’établissements, qui auraient été respectivement légalement obligés de fermer, invités à fermer ou autorisés à rester ouverts.
Enfin l’avocat de ZURICH s’exprime lui aussi sur la notion d’accès aux locaux.
JOUR 7 – MERCREDI 29 JUILLET
L’avocat de ZURICH termine sa plaidoirie et déclare que « la FCA essaye de faire entrer une cheville carrée dans un trou rond ».
Il est suivi par l’avocat de QBE, pour lequel la FCA « réécrit les clauses de QBE par un tour de passe-passe » ; puis c’est l’avocat d’ARGENTA qui pour finir revient sur la chaîne de causalités (cause immédiate / cause plus ou moins éloignée), en reprochant à la FCA d’être en train de « créer un processus étrange consistant à monter la chaîne dans un ordre puis à la redescendre dans un autre ».
JOUR 8 ET DERNIER – JEUDI 30 JUILLET
La FCA reprend point par point jusqu’en milieu d’après-midi les divers arguments évoqués depuis une semaine par les 8 assureurs.
Puis chaque assureur remet aux juges ses ultimes pages de conclusions et certains avocats les commentent brièvement, avant que l’audience soit clôturée.
L’avocat principal de la FCA demande aux juges un délai approximatif pour le verdict, car il y a des gens dont la vie dépend du résultat. Le Juge Flaux répond qu’un projet de jugement devrait être prêt d’ici la mi-septembre, mais que cela pourrait être plus tardif en fonction du temps nécessaire à sa rédaction. Il ajoute qu’il est conscient de l’importance de l’affaire et qu’il n’a donc pas l’intention de prendre de raccourcis.