Opération « chaines de valeurs propres » !

par | 22 Avr 2021 | Eclairage

Le parlement européen vient d’adopter, le 10 mars 2021, un projet de législation sur le devoir de vigilance des entreprises.

Ce texte est, à la fois, ambitieux et vertueux. Il ambitionne de rendre les entreprises juridiquement responsables des violations des droits de l’homme et des atteintes à l’environnement commis dans leurs chaines de production. Le rapport d’initiative législative au Parlement de l’UE sur le devoir de vigilance européen, a été adopté par 504 voix pour, 79 contre et 112 abstentions. Il appelle à l’élaboration urgente d’une législation européenne contraignante afin de veiller à ce que les entreprises soient tenues responsables lorsqu’elles portent préjudice – ou contribuent à porter préjudice – aux droits de l’homme, à l’environnement et à la bonne gouvernance. Cette législation doit également garantir l’accès des victimes aux recours juridiques. La Commission européenne a annoncé qu’elle présenterait sa proposition législative à ce sujet dans le courant de l’année.

Ainsi des règles européennes contraignantes imposeront aux entreprises d’identifier, traiter et corriger les aspects de leur chaine de valeur qui pourraient porter préjudice aux droits de l’homme (y compris les droits sociaux, commerciaux et des travailleurs), à l’environnement (contribution au changement climatique ou à la déforestation, etc.) et à la bonne gouvernance (corruption). Ces règles s’appliqueraient aux entreprises de l’UE ainsi qu’à celles qui y sont installées et à celles qui veulent accéder au marché européen.

Cette proposition fera donc l’objet d’une directive. La Commission s’y est engagée puisque c’est elle qui détient l’initiative législative. Les débats risques d’être vifs car une telle législation contraindra les entreprises s’approvisionnant auprès de fournisseurs qui pratiquent le travail forcé (Ouigours) ou encore qui importent des produits issus de la déforestation (Amazonie). On peut penser que les établissements financiers qui concourent ou participent à ces activités seront aussi concernés. D’autant que l’ambition de cette directive est d’englober tous les secteurs d’activité dans leur ensemble sans exclusive.

Cette démarche renforce la responsabilité des entreprises. Certes, les multinationales sont clairement visées, mais toutes seront, à un degré ou un autre, concernées. Les Parlementaires européens ne cachent pas leur volonté d’ajouter au futur texte la question de la responsabilité pénale des entreprises qui ne mettraient pas en œuvre les dispositifs requis par la directive. En fait, ils veulent donner aux Etats les moyens de faire respecter les prescriptions et à la Justice ceux de sanctionner les manquements.

La voie choisie par le Parlement européen de doter l’Europe de moyens de contrainte est clairement un signal politique. Une alternative a essayé de voir le jour. Elle était défendue par le monde de l’entreprise qui aurait préféré une démarche de labellisation des produits « propres » laissant l’arbitrage au consommateur. Cette option n’a pas prospéré. De fait, les consommateurs ne sont pas toujours en situation de faire des choix éclairés (défaut d’information, pression de la publicité, choix des distributeurs, etc.).

Henri DEBRUYNE

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