L’Union des marchés de capitaux, une nécessité, des enjeux et des opportunités

par | 9 Mai 2024 | Eclairage

Initiée dès 2015, la construction du marché unique des capitaux franchit, l’un après l’autre, les obstacles pour faire circuler les investissements et l’épargne à l’intérieur de l’Union européenne. A terme cela doit mobiliser une épargne improductive qui dort sur les comptes courants.

Le débat sur la RIS1 et le sort des commissions a occulté l’objectif de créer un marché unique des capitaux en harmonisant les fiscalités, les règles de surveillance, celles qui régissent les placements réglementés, etc. L’enjeu est de mobiliser l’épargne disponible qui ronronne doucement. En France, les produits de taux, (dépôts bancaires, l’épargne réglementée, livret A, livrets bleus, PEL, livrets jeunes, l’assurance-vie en euros) sont évalués à 3 620 milliards d’euros. Une épargne en général peu rémunérée, mais qui a l’avantage d’être liquide et peu risquée. Les Français plébiscitent principalement les dépôts à vue, c’est-à-dire leurs comptes courants non rémunérés, l’épargne réglementée avec en tête de liste le livret A, et ensuite l’assurance-vie en euros, qui demeure leur placement favori avec un encours de près de 1 500 milliards d’euros. Sans oublier que quelque 500 milliards d’euros dorment sur les comptes courants des Français qui dans le même temps épargnent chaque année autour de 17% de leur revenu (pour l’ensemble de l’union européenne 12,7%).

L’ambition de l’Union des marchés des capitaux (UMC) est de stimuler ces réserves financières, pour un meilleur bénéfice des épargnants, mais aussi, et peut-être surtout, pour financer les investissements colossaux de l’Europe. En effet, l’UE a besoin de centaines de milliards d’euros d’investissements privés supplémentaires chaque année pour ses transitions écologique et numérique ou encore sa défense. La France et l’Allemagne ont pris position2, mais les résistances sont encore fortes. L’idée d’un système financier intégré offrant une multitude d’options de financement reste un objectif encore hors d’atteinte. Les marchés de capitaux sont encore loin d’être intégrés. Néanmoins, l’urgence conduira inexorablement à un nouveau dispositif collectif dans des délais rapides, c’est aussi une question de souveraineté pour retenir l’épargne des Européens qui part aujourd’hui vers les Etats-Unis. Le rapport d’Enrico Letta, remis il y a une semaine aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, préconise une union de l’épargne et de l’investissement, autre formulation pour désigner l’UMC.

Pouvoir investir ou emprunter dans un autre pays, pour les épargnants et les entreprises, c’est disposer d’une plus large gamme de possibilités de diversification de leur portefeuille ou profiter de meilleures conditions de financement. Ce n’est aujourd’hui pas possible et est dommageable car cela crée des conditions de concurrence inégales : les coûts de financement des entreprises varient considérablement selon le pays d’établissement. Les consommateurs doivent trouver dans le commerce de détail un choix plus étendu de produits pour leur épargne à long terme.

L’éventail des solutions possibles fera appel à des technicités accrues, assorties de contraintes nouvelles, soyons-en sûr. Ce qui implique des professionnels compétents, des supports adaptés à une meilleure maîtrise des composantes des vecteurs financiers qui ne manqueront pas d’émerger. Mais aussi des facultés de développement qui fourmillent d’opportunités.
1 Retail invesment strategy
2 Le rapport Noyer fait des propositions concrètes : https://www.banque-france.fr/fr

Henri DEBRUYNE

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