Les limites d’Assurancetourix

par | 26 Nov 2020 | Eclairage

Assurancetourix n’existe que dans une célèbre BD et dans la fantasmagorie de ceux qui imaginent que le « quoiqu’il en coûte » est une valeur universelle. Le choc de la réalité est brutal.

La pandémie vient de brutalement révéler que l’assurance est un métier de gestionnaire de risques. Et, tous les risques ne sont pas assurables et pour tous il y a des limites à l’assurabilité. Ce mur de la réalité est durement vécu, ces temps-ci, par les distributeurs d’assurance et principalement par les intermédiaires. En pleine période de renouvellement, les assureurs ont entrepris une vaste révision de leurs portefeuilles de contrats. Hausses tarifaires significatives, pour ne pas dire brutales et élevées ainsi que le formulent les intermédiaires, mais aussi réductions de garanties sous contrainte de résiliation pure et simple. Bref, la manière forte à la mesure des tensions qui pèsent sur l’activité des compagnies et pour certaines sur leur solvabilité.

Sur le fond, les assureurs ne peuvent pas ne pas intégrer les contraintes nouvelles et l’ACPR y veille. Ils ont donc décidé de réduire la voilure. Les garanties de pertes d’exploitation sont retaillées et le risque de pandémie systématiquement exclu. Une obsession domine, bien faire comprendre que ces garanties sont exclues et ainsi retrouver une relative sécurité juridique. Mais ces révisions s’étendent à toutes sortes de risques jusques et y compris à l’assurance-crédit. Des positions qui laissent les clients, par ailleurs chahutés par la crise, dans des situations difficiles et les intermédiaires naturellement entre le marteau et l’enclume.

Sur la forme, la brutalité et pour beaucoup l’absence de nuance sont discutables. Certes, les assureurs sont meurtris par les débats difficiles, souvent houleux sinon méprisants dont ils ont été la cible. L’opinion publique n’est pas tendre, les médias souvent approximatifs et la classe politique assez peu responsable. Chacun sait que l’assurance n’a pas bonne presse, mais là nous avons atteint des sommets de mauvaise foi, d’incompétence voire d’inconséquence. Nous aurions pu l’anticiper et gérer la situation différemment. Plus facile à dire qu’à faire, mais quand même l’absence de solidarité et la volonté de privilégier ses intérêts ont pesé lourds dans cette méchante bronca. Ce qui fait refleurir de mauvais débats comme sur l’assurance auto.

Or, de réelles questions restent en suspens. Les mises à jour des contrats sont-elles bien cadrées par les dispositions du devoir de conseil et de la gouvernance produits telles que rappelées par l’EIOPA ? L’effort d’information est-il suffisant pour développer un dialogue avec les clients ? C’est difficile, surtout à chaud, mais ils peuvent comprendre les contraintes de la pandémie, le poids des menaces des risques sériels et les inconnues du risque climatique. Ils savent qu’il n’est pas possible de tout demander à l’assureur, pas plus qu’au contribuable qui est – quoi que l’on en dise – le filet de sécurité.

Enfin, il n’est pas envisageable, dans un pays comme le nôtre, sur-administré, de laisser les professionnels, les distributeurs et les intermédiaires seuls face aux désordres provoqués par une crise de cette nature. L’ACPR, omniprésente par ailleurs, a été et reste d’une grande discrétion. Elle a agi, personne n’en doute, mais sa parole a manqué et manque encore. Plus que quiconque elle a l’autorité pour exprimer une parole forte, particulièrement dans les médias. Il faut qu’elle le fasse et elle sera relayée utilement par les bataillons de ceux qui chaque jour rencontrent des clients.

Henri DEBRUYNE

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