Les agences générales d’assurance : Un modèle économique en péril ?

par | 13 Mai 2021 | Eclairage

La FFA a décidé de mettre fin à la contribution des compagnies au financement de la retraite complémentaire des agents généraux. Une décision qui aura une incidence significative sur les agences.

Les compagnies d’assurances ont, semble-t-il, décidé de mettre fin à un aspect central du pacte social qui les lie aux agents généraux depuis 60 ans. Cette décision, lourde de sens, déclenche une polémique de grande ampleur. Mais surtout vient menacer le modèle économique des agences déjà contesté par les évolutions en cours. En effet, les commissions d’intermédiation, perçues comme des sources de conflits d’intérêts, sont dans le collimateur des Pouvoirs publics comme des organisations de consommateurs. La pression de la concurrence sur les tarifs érode dans le même élan les rémunérations proportionnelles. Enfin, les compagnies considèrent que ces dernières constituent l’un des derniers postes de charges sur lesquelles elles peuvent faire des économies.

Bref, depuis déjà quelque temps les nuages s’amoncellent sur la tête des intermédiaires et un gros vient de percer sur celle des agents. Ce qui provoque un émoi bien légitime. Lequel aurait pu être évité si les uns et les autres avaient eu la sagesse d’anticiper cette question de la contribution des réseaux à la chaine de valeur des compagnies et de son impact sur le modèle économique des agences. Au lieu de cela, les unes, à bas bruit tentent de réduire le poids des rémunérations des agences, les autres protestent, généralement sans trop de véhémence, dans un jeu de rôle bien rodé. Le conflit est désormais ouvert, la déchirure sans doute profonde et la confiance, cette matière si sensible, durablement entamée. Ce qui n’est bon pour personne au moment de sortir d’une crise où s’exprime une forte demande de reconnaissance, de protection et de soutien, alors même que les « patrons de réseaux » louent l’efficience et le dévouement des agences durant cette période.

Pour autant, même si la situation ainsi créée n’est pas la plus favorable, il faut la regarder lucidement en face. Ce ne sont pas les 90 millions d’euros d’économies potentielles sur les 56 milliards de primes d’assurance de dommages[1] qui vont sensiblement améliorer la profitabilité des compagnies. Surtout si, comme on peut le craindre, le choc de confiance provoque des démotivations durables chez ceux qui se jugeront injustement sanctionnés. La sérénité est l’une des composantes de la performance.

L’enjeu est donc bien celui de la contribution des agences générales à l’activité des compagnies et au partage des résultats. Or, la question aujourd’hui est que le dispositif actuel du commissionnement est menacé et avec lui le modèle économique qui permet de fournir à tous les consommateurs, sans distinction, les prestations de conseil auxquelles ils ont droit et dont la Directive distribution a confirmé l’obligation. En effet, les agences ne sont pas de simples courroies de distribution, elles ont des missions et responsabilités propres de conseil, d’information et d’accompagnement des clients. Celles-ci se sont significativement étendues au fil de ces dernières années, alors que petit à petit des tâches traditionnelles s’estompaient voire disparaissaient.

S’interroger sur le modèle économique est sain. Cela n’a jamais été vraiment le cas. Or, il est illusoire de vouloir traiter les composantes économiques des agences sans une vision d’ensemble. L’aborder par la contribution à la CAVAMAC est contreproductif. C’est vraiment le petit bout de la lorgnette. Il n’est peut-être pas trop tard pour éviter les affrontements stériles et pour regarder la question du modèle économique des agences dans sa globalité et avec l’acuité qu’elle requiert.

[1] Pour ne prendre que l’assurance de dommages, activité largement dominante des agents généraux

Henri DEBRUYNE

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