Le débat sur les rémunérations cache celui du conseil !

par | 19 Jan 2023 | Eclairage

La menace se précise sur l’interdiction des commissions sur les produits d’investissements. La question de fond est en réalité moins celle des rémunérations que celle du conseil.

La tension s’accroit sur ce vieux et lancinant sujet de l’interdiction des commissions aujourd’hui focalisée dans la vente de produits d’investissement. De fait, la menace a pris une acuité nouvelle. La Commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuinness, a pris position en faveur de l’interdiction des « incitations », ou commissions versées par une banque ou un assureur aux conseillers financiers qui ont vendu leurs produits. Une prise de position qui a surpris. Les arguments sont connus et rebattus, l’arrière-fond idéologique identifié. Certains Etats (Allemagne, France, Italie) ont marqué leur opposition à une mesure aussi brutale et aux conséquences imprévisibles, mais potentiellement délétères. Néanmoins, seule l’Allemagne vient de manifester clairement et par écrit son opposition1. Il est vrai que son régulateur, la BaFin, s’en prend également aux commissions ces jours-ci. La France, à plusieurs reprises, a indiqué une position semblable, mais pour l’instant elle n’a pas montré une opposition aussi résolue que nos voisins allemands. Dans tous les cas, elle ne l’a pas officialisée. Il est donc important qu’elle le fasse.

L’argument majeur, repris par Mairead McGuinness est celui des coûts. Elle fustige le niveau des frais de commercialisation de ces produits. La mesure, selon elle, écraserait les marges. Mais le conseil a un coût. Les pays qui ont interdit les commissions ont vu le conseil disparaitre auprès des particuliers possédant moins de 120.000 euros de patrimoine. Ce qui a créé un déficit d’accès au conseil (advice gap) pour les épargnants les moins fortunés. Ce qui conduit le Royaume-Uni à revenir, 10 ans plus tard, sur cette mesure dont il avait fait un élément phare de sa réforme de la commercialisation des produits financiers (RDR). Ce qui est en jeu, c’est le donc bien le conseil.

L’obligation de conseil fut pourtant l’une des grandes avancées de la DDA avant que des forces contraires laissent aux Etats la faculté d’en décider. Ainsi plusieurs d’entre eux, comme l’Allemagne, en ont décidé autrement en le rendant facultatif. La France a maintenu son obligation de conseil attachée à la commercialisation de chaque contrat, sans exception. A l’évidence, si un conseil est délivré, il faut le rémunérer.

Il est donc urgent de se mobiliser pour affirmer une résolution collective sans faille autour du conseil et des moyens de le délivrer. Mais il n’est pas, non plus, envisageable d’opposer un refus sans proposer une prise en compte des arguments recevables des opposants aux commissions. Certains le sont : l’opacité, les conflits d’intérêts et parfois hélas une piètre qualité du conseil. Il faut y apporter des réponses, c’est une question de crédibilité.

L’alternative crédible est celle de la transparence. Un chemin déjà emprunté par la France à travers la loi Pacte et la complémentaire santé. Cette transparence n’a bien sûr de sens que si elle permet une comparaison effective et donne aux investisseurs de détail les moyens de choisir. Ce qui veut dire que tous les acteurs, quels que soient leurs statuts, communiquent des informations sur un mode standardisé (sans minimiser l’aspect casse-tête de l’exercice) concernant les frais et les coûts d’acquisition à la manière de l’IPID ou du DIC. Ce qui permettrait de divulguer et de comparer. L’information y gagnerait et la concurrence aussi, au moins en théorie. Si d’aventure, la décision de la Commission européenne devait être défavorable aux commissions, encore faut-il qu’elle soit entérinée par le Conseil. L’Allemagne a déjà marqué son opposition, il serait bien que la France le fasse clairement et sans attendre.
1 Lettre de Christian Lindner Ministre fédéral de l’économie à Maired McGuinness du 28 décembre 2022.

Henri DEBRUYNE

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