L’assurance retomberait-elle dans l’économie dirigée ?

par | 11 Fév 2021 | Humeur

Chassez le naturel, il revient au galop ! L’année du Covid a vu l’interventionnisme de l’Etat s’exprimer de la plus mauvaise des manières, menaçant de faire faire au secteur de l’assurance un bond en arrière de plusieurs dizaines d’années. Ce qui lui pose des questions sur les stratégies à conduire.

Depuis quelques mois, l’assurance est confrontée à l’interventionnisme de l’Etat. Cela a commencé avec les pertes d’exploitation. Les assureurs ont été sommés de faire leur devoir, faisant chorus aux revendications parfois délirantes des représentants des corporations les plus touchées ; le ministre des finances rappelant, fort opportunément, le coup de main apporté aux assureurs en leur permettant d’intégrer les PPB* dans le calcul de la solvabilité. Une demande de renvoi d’ascenseur en quelque sorte. Ceci avant que la tutelle régalienne ne rappelle qu’il ne fallait pas faire n’importe quoi au risque de mettre en péril la solidité financière des organismes d’assurance. Ce qui est dû, est dû, pas plus, pas moins. Sur ce même sujet, après constat que ces garanties dépassaient les capacités des assureurs et des réassureurs réunis, un projet fut élaboré par la FFA, sous le nom de CATEX, pour apporter des solutions même partielles. Le ministre de l’économie a rayé d’un trait de plume le projet qui nécessitait le concours des ressources de l’Etat, et semble-t-il sans appel.

Il faut dire que le spectacle offert d’un monde professionnel désuni, sans discours clair et dans lequel les communications des acteurs s’entrechoquaient voire se contredisaient, l’a décrédibilisé, facilitant les charges médiatiques mal intentionnées, parfois méchantes et le plus souvent mal documentées. Ce n’est d’ailleurs pas fini. De Que choisir à Marianne, les commentaires sont approximatifs et parfois populistes. Personne n’y échappe, la dernière cible est celle de ces mutualistes qui ont des comportements de capitalistes !

Sur ce terreau, les Pouvoirs publics ont beau jeu d’intervenir pour corriger des situations anormales ou choquantes. Ainsi, taxer les complémentaires santé moins sollicitées pendant la crise sanitaire n’est que justice. Et ce n’est pas fini. Après la charge de Que choisir sur les augmentations tarifaires en assurance santé, l’Etat se saisit de ce dossier pour vérifier si les assureurs ont abusé ou pas. Sans oublier, dans un autre registre, que si la liberté de résiliation infra annuelle est devenue la norme, par la volonté du Prince, elle ne l’est pas pour l’assurance emprunteur !

La liberté tarifaire a été rendue aux assureurs au début des années 90 par un ministre socialiste, Pierre Bérégovoy. Elle fait partie du jeu normal de la concurrence pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Or, s’il existe en Europe un marché concurrentiel, c’est bien celui de l’assurance en France. Mais un tel encadrement pose la question de la valeur ajoutée réelle des assureurs sur ce marché, régulé à l’extrême et contraint (100% santé, panier de soins, fin du reste à charge, etc.) et dans lequel les opérateurs n’ont plus de facto aucune autonomie.

A l’évidence, les assureurs et leur organisation, la FFA, sont confrontés à un rude problème. La puissance publique est devenue un facteur de perturbation. C’est regrettable, elle sort de sa fonction de régulation et de contrôle pour se mêler du fonctionnement d’un métier consistant à élaborer des produits répondant aux besoins des clients, à les tarifer, à les commercialiser et à gérer les sinistres. Alors que ses fonctions régaliennes, en particulier sur le contrôle des pratiques commerciales, sont loin d’être remplies de manière aussi efficace que l’évolution réglementaire le demanderait.

*L’arrêté du 24 décembre 2019 autorise les assureurs vie à considérer la PPB comme élément admissible aux fonds propres de couverture et donc à améliorer la présentation de la marge de solvabilité.

Henri DEBRUYNE

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