JURISPRUDENCE INSOLITE – Trampoline et trouble de voisinage ?
Madame Y assigne ses voisins à cause de leurs arbres et végétaux implantés en limite de propriété qui ne respecteraient pas les distances légales (jusque là, rien que de très classique) ; mais également à cause du trampoline, dépassant du mur, qu’ils auraient installé juste en limite séparative, ce qui lui causerait un trouble anormal de voisinage. Le cas des plantations est laborieusement résolu par moult prises de mesures, constats d’huissier, élagages et arrachages.
Mais pour le trampoline ? Madame Y est déboutée par le tribunal d’instance en 2019 : s’agissant de l’implantation du trampoline, si son utilisation par des enfants est de nature à engendrer du bruit, si, à l’occasion de cette utilisation, des enfants peuvent, le cas échéant, regarder par dessus le mur dont la hauteur a été déterminée par Mme Y et elle seule, les éléments de preuve produits par celle-ci, d’ailleurs contredits, au moins partiellement, par les constats de Maître B, sont insuffisants pour démontrer le caractère anormal d’un tel trouble, notamment en ce qui concerne la durée du trouble, son intensité, sa répétition.
Madame Y fait appel, mais ses arguments ne convainquent pas davantage la Cour, qui prend la peine de développer la délicieuse motivation suivante : il résulte des éléments des débats que le trampoline est implanté sur le fonds de M. D X et Mme E Z, à 83 cm du mur en son armature la plus proche.
S’il dépasse la hauteur du mur en parpaing, mesurée par Maître A à 1,55 m, il résulte du constat de Maître B que celui-ci, monté de sa hauteur (1,80 m) sur le trampoline, n’avait pas vue sur le fonds de Mme Y, au contraire des attestations versées par l’appelante.
S’il doit être admis que des enfants sautant sur le trampoline peuvent avoir une vue sur le jardin de l’appelante à l’occasion de leurs sauts, il n’est produit à la cour aucun élément quantifié permettant de retenir que cette vue nécessairement très fugitive même si répétée puisse constituer un trouble excédant la mesure des inconvénients normaux du voisinage, étant relevé que cet appareillage a remplacé une piscine gonflable.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme Y de ses demandes relatives au trampoline, faute pour elle d’établir l’existence d’un trouble anormal du voisinage.
Après, on s’étonne que les tribunaux soient débordés.
Source : Cour d’appel de Poitiers, 8 juin 2021