Fin d’année à haut risque pour les renouvellements des contrats

par | 17 Déc 2020 | Humeur

La crise du Covid-19 entraine une large révision des garanties des pertes d’exploitation sans dommages, mais pas seulement. Tout ce qui peut s’analyser comme potentiellement à dimension systémique fait l’objet de mesures drastiques. Aux conditions de marché dégradées, il faut ajouter quelques milliers ou de dizaines de milliers de contrats suspendus au couperet du Brexit.

Les intermédiaires en assurance vivent des moments difficiles. Coincés entre les décisions des compagnies en forme de diktats, leurs clients pour beaucoup en détresse et leur responsabilité professionnelle, ils frisent la schizophrénie. Car les process de révision des portefeuilles sont des bulldozers que, semble-t-il, rien n’arrête. Les avenants déboulent chez les intermédiaires, imposant de les retourner signés dans des délais très courts sous peine de résiliation. Des modalités qui les mettent dans l’impossibilité d’assumer leurs obligations de conseils alors même que les nouvelles dispositions sont objectivement défavorables aux clients.

En fait, la pandémie révèle la fragilité des modèles d’évaluation des risques. Les assureurs sont confrontés à une augmentation de l’assurabilité et donc de leur exposition à des sinistres non envisagés à la conclusion des contrats. Ce n’est pas un phénomène nouveau au moins dans les risques de responsabilité. Mais les réactions des assureurs pour tenter de contenir une explosion potentielle de sinistres tiennent de l’effet de panique. Une nouvelle fois, chaque compagnie agit comme elle le veut ou comme elle le peut. Et, l’ACPR est étrangement silencieuse.

L’adresse de Jean-Paul Faugère* rappelant que les intermédiaires ne sauraient être considérés comme de simples exécutants ne serait-ce qu’en raison de leur responsabilité personnelle, tient du vœu pieux. En effet, les conditions réservées et les pressions dont ils font l’objet font que ces professionnels ne peuvent qu’exécuter. Leur possibilité d’action, le respect de leur indépendance et leur capacité d’analyse pour prodiguer à leurs clients les conseils que la Loi leur demande, sont totalement annihilés. Les intermédiaires sont dans l’impossibilité d’exercer leur fonction. Outre qu’il y a là, une entrave grave à leur mission, il parait évident qu’en réalité la responsabilité est tout entière assumée par les compagnies qui leur imposent d’agir dans ces conditions. Verrons-nous, comme au Royaume Uni, des courtiers se joindre aux assignations de leurs clients à l’encontre de compagnies au motif qu’ils ont été dans l’impossibilité d’exercer le mandat que leur avait délivré leur client ? La question est posée.

Quoiqu’il en soit, les intermédiaires ont un intérêt fort à respecter les règles et à acter les conditions dans lesquelles ils ont été amenés à intervenir. Cela est vrai aussi pour ceux ayant placé des contrats auprès d’assureurs aujourd’hui sous le couperet du Brexit. En effet, la Covid 19 nous a fait oublier que des contrats – potentiellement des milliers – sont toujours assurés par des compagnies agissant en LPS ou en LE à partir du Royaume uni. Là encore, les courtiers concernés doivent rechercher des placements en toute transparence vis-à-vis de leurs clients. Il existe, semble-t-il, des solutions mais elles ne seront accessibles que dans le strict respect des règles de l’art.

Enfin, à part rappeler le rôle de l’intermédiaire, l’ACPR aurait été bien inspirée de réunir les parties afin de baliser un modus operandi qui aurait permis de ne pas sacrifier les clients et les intermédiaires tout en permettant aux assureurs de maîtriser leurs contraintes. Sans oublier les réassureurs qui ont imposé des exclusions de garanties qui tétanisent les preneurs de risques. Il parait clair que l’ACPR se vit plus dans le contrôle que dans la régulation. C’est un point de doctrine ou de philosophie de sa mission, certes, mais il mérite d’être posé à nouveau, d’autant que, comme elle aime le rappeler, sa mission première est de protéger la clientèle.

Henri DEBRUYNE

*Vice- président de l’ACPR lors de la convention du 27 novembre

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