Complémentaires Santé et grande sécu : quel mauvais débat !

par | 18 Nov 2021 | Eclairage

Depuis que le gouvernement a relancé cette vieille lune, la bataille des chiffres est censée éclairer sinon justifier une décision, bien sûr frappée au coin de l’intérêt général. Mais lequel ? Car au fond la question n’est-elle pas de faire face à ce que seront les besoins en 2030 ?

Débat de chiffres, optimisation des coûts, recherche d’économies pour un système qui prend eau de toutes parts. Depuis 2002, le régime général d’assurance maladie a constamment été déficitaire, indépendamment des fortes dégradations lors des crises de 2008 et de 2020. Aucune mesure ne lui a jamais permis de revenir à l’équilibre. Une constance dans le déficit qui ne semble pas traumatiser grand monde ou presque. Le système de santé et en particulier l’hôpital ne sont pas, aux dires des spécialistes, en super forme. Sont pointés du doigt, un manque de moyens, une bureaucratie sclérosante et pire encore une perte de sens par les soignants eux-mêmes. Ce mal qui ronge le système public gagne désormais la médecine de ville.

Face à cela, un grand débat macro-économique reprend de la vigueur. La question de l’intérêt des assurés-assujettis n’est évoqué qu’à travers le prisme de la rationalisation et des économies que le citoyen est in fine censé en retirer et des chiffres sont livrés pour asseoir la démonstration. Laquelle prend l’eau dans l’instant puisqu’aux cotisations succédera un impôt dont le calcul variera en fonction des revenus de chacun. De fait, l’économie annoncée sera à géométrie variable. Au fond tout ceci est assez cohérent. Il s’agit d’étatiser ce qu’il reste de la pâle économie libérale et concurrentielle de l’assurance santé.

La manœuvre est bien amenée, mais la faiblesse de l’approche est confondante. Car au fond, la question centrale n’est-elle pas d’abord celle de la couverture des besoins à l’horizon 2030 ? Ligne d’horizon fixée par le Président de la République lui-même. Or, dans moins d’une dizaine d’années la France aura bien changé. Elle aura vieilli. Certaines pathologies, aujourd’hui problématiques seront maîtrisées, d’autres auront pris un tour menaçant pour la santé des populations. Le vieillissement lui-même génèrera une accélération des dépenses. Sans parler des progrès de la recherche médicale, qui accroissent leur efficacité mais ont pour corollaire l’explosion de leurs coûts. Bref, l’évolution des résultats du régime de base, déjà frappée d’une dérive de moins en moins soutenable, explosera inéluctablement.

La question centrale n’est donc pas traitée avec la profondeur qu’elle requiert. Pire, la démarche empruntée d’étatiser l’ensemble du dispositif est improductive. Elle ferme a priori les voies alternatives, le développement de la concurrence que par ailleurs les Pouvoirs publics encouragent voire pilotent (transport ferroviaire, énergie, etc.). D’une certaine manière, la trajectoire proposée est celle d’une intervention accrue, sinon totale, dans le système de soins, devenu monopolistique, en en faisant un levier supplémentaire de redistribution des richesses. Cela ne manquera pas de générer une sclérose en renforçant les tensions qui naitront inévitablement de la gestion, non dite, mais bien réelle de la pénurie. La Nation se sera sciemment privée de la contribution dynamique et innovante d’un secteur privé qui a fait la preuve de ses compétences.

Les assureurs ont leur part de responsabilité. Ils se sont laissés enfermer depuis près de 50 ans dans cette nasse. Leurs propositions alternatives ont été et restent inaudibles, souvent timorées d’ailleurs. D’aucuns, parmi les plus éminents d’entre eux, pensent qu’ils ne sortiront pas de ce piège et qu’à tout prendre autant récupérer l’indemnisation issue de cette nationalisation pour l’investir ailleurs probablement pas dans l’assurance. La représentation nationale aura choisi de contraindre un secteur qui a fait la preuve de ses capacités d’innovation et d’adaptation plutôt que de soutenir la liberté économique ferment de progrès. A l’horizon 2030, ce sera, n’en doutons pas, une très mauvaise opération

Henri DEBRUYNE

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